Loges et tribunes: Nogaro (Gers)

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Les habitués de la Corne d’or auront de la peine à reconnaître la « place des arènes » de Nogaro, où les enfants des écoles gambadaient au milieu des barriques ! Aujourd’hui, de magnifiques arènes en dur y ont été construites, mais les arbres y sont toujours…

Je vous présenterai bientôt d’autres images de ces arènes jusqu’à leur version actuelle.

« Les courses de taureaux et les courses landaises » (1889)

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Ces images ont paru dans le n° 850 du 14 septembre 1889 de la fameuse revue La Nature, dont le sous-titre était : « Revue des Sciences et de leurs applications aux arts et à l’industrie ». Il s’agissait en fait d’un journal scientifique hebdomadaire qui était à cette époque particulièrement bien illustré de gravures.

Le texte, signé de Daniel Bellet, a été écrit à l’occasion des courses qui se déroulèrent à Paris cette année-là lors de l’Exposition universelle. L’auteur y signale que les corridas s’étaient déroulées dans quatre plazas différentes (rue Pergolèse, rue de la Fédération, avenue de Suffren et quai de Billy), et que l’unique « établissement » des courses landaises se situait également à ce dernier emplacement.

Si l’auteur est bien renseigné sur la course espagnole et ses différents tercios, il l’est nettement moins sur sa cousine landaise… Sur son origine, il n’hésite ainsi pas à affirmer :  » Les bergers des Landes, vivant constamment au milieu de leurs troupeaux, ont affaire souvent à des bêtes rebelles et sauvages, contre lesquelles il leur faut savoir se défendre par l’adresse. De là est né ce qu’on nomme l’écart, qu’ils ont à chaque instant à mettre en pratique dans les pâturages, et dont ils sont tout naturellement arrivés à faire montre dans les courses organisées… » Il se lance ensuite dans un développement sur la ferrade qui se pratiquerait dans les Landes à l’identique des pampas d’Argentine ! Puis il décrit le travail de l’écarteur et du sauteur en piste, ce dernier s’aidant parfois d’une longue perche, sautant par-dessus la tête de la vache « comme il franchit les fossés dans ses Landes »…

Il est intéressant de noter que les gravures que nous reproduisons ont été réalisées, comme souvent à l’époque, d’après des photographies, et que celles-ci sont en particulier l’oeuvre d’un des pionniers de la photographie médicale, Albert Londe. Nous allons bien sûr nous employer à les rechercher…

Félix ROBERT (Pierre CAZENABE, dit)

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Voici la biographie qui est consacrée dans Mémoire des Landes à ce matador landais.

« Robert (Félix), pseudonyme de Pierre Cazenabe (Meilhan, 4 avril 1862 – Marseille, Bouches-du-Rhône, 19 janvier 1916). Matador.

(…) Ce que d’aucuns ignorent, c’est que nos Landes ont donné, dans la dernière décennie du XIXe siècle, le premier matador d’origine française. (…) C’est au village de Meilhan, entre Mont-de-Marsan et Dax, que vit le jour Pierre Cazenabe, connu dans les milieux tauromachiques sous le nom de Félix Robert. (…) Très jeune, il avait été attiré par le sable de l’arène, et avait tâté des subtilités du jeu ancestral landais aux environs de Saint-Sever dans des courses de vaches destinées aux amateurs. Tout naturellement, il profitait donc des loisirs que lui laissait sa profession [de garçon de café] pour participer aux courses landaises des alentours de Mont-de-Marsan. Décidé à tenter sa chance et doué d’une intelligence et d’un talent certains, il comprit cependant très vite qu’il devait perfectionner sa technique – ce qu’il fit auprès des grands écarteurs de l’époque – et il sauta enfin le pas en étant engagé dans la cuadrilla de Marin Ier, avec qui il parcourut le sud de la France, Bordeaux, Marseille, Nîmes, Orange et même l’Afrique du Nord avec des spectacles à Alger et Oran. Il s’agissait, à vrai dire, de véritables spectacles hispano-landais au cours desquels Félix Robert effectuait un travail soigné d’écarteur tant à l’écart et au saut qu’aux banderilles, à la cape, à la muleta et même dans des simulacres de mises à mort que l’on pratiquait à l’époque. On le voit, il n’y avait qu’un pas à franchir pour devenir torero de lidia. Félix Robert partit donc pour l’Espagne, décidé à suivre les cours de l’école taurine de Séville fondée par le roi Ferdinand VIII, aficionado convaincu, et dont le directeur était alors l’ancien maestro Manuel Carmona. Il y comptera parmi les meilleurs élèves, travaillant plus particulièrement sous la direction d’El Gordito ; il en sortit diplôme en poche en 1894. Rentré en France, il se produisit dans divers spectacles et les arènes vibrèrent à ses prouesses ; ce fut une suite de succès tant dans les plazas de France que d’Espagne et d’Amérique du Sud (…). Suprême consécration enfin, le 2 mai 1899, Félix Robert recevra à Madrid l’alternative des mains de l’illustre Minuto. En 1904, il décida d’arrêter une carrière déjà longue, mais il n’abandonna pas pour autant le monde de la tauromachie et devint directeur des arènes de Ciudad Juarez au Mexique ; ce n’est qu’en 1909 qu’il quittera définitivement le « mundillo » pour se retirer sur la Côte d’Azur puis se fixer à Marseille. Il n’oublia cependant pas son Sud-Ouest natal et participa en particulier à la construction des arènes de la Benatte à Bordeaux. (…) ».

Extraits de la notice de Bernard Lalande, extraite de Mémoire des Landes, Mont-de-Marsan, Ed. Comité d’études sur l’histoire et l’art de la Gascogne, 1991, p. 272-273

Voir aussi : Gabriel Cabannes, Galerie des Landais, t. 6, p. 235, photo

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Voici une autre image sur laquelle on voit Félix Robert en traje de luces et avec une différence notoire : Félix ne porte pas ses traditionnelles et célèbres moustaches. En fait, cette pilosité avait été au centre d’un débat éthique en Espagne à la veille de la confirmation de son alternative dans les arènes de Madrid, en 1899, et les « sages » avaient conclu qu’un vrai matador ne pouvait porter de tels ornements… Félix Robert dut donc raser ces moustaches afin de pouvoir être reconnu par la tauromachie espagnole. Et comble de paradoxe pour lui, cette confirmation se déroula un 2 mai (dos de mayo), jour ô combien symbolique en Espagne où l’on commémorait le soulèvement du peuple castillan contre les envahisseurs français en 1808 ! Mais je vous reparlerai de ces fameux attributs très bientôt.