Les courses hispano-landaises de Pomarez (vers 1910) : diaporama

Les courses « hispano-landaises » ont été très en vogue dans les Landes entre le milieu des années 1860 et la Première Guerre mondiale. Elles s’organisaient en deux parties : l’une réservée aux écarteurs et sauteurs, et l’autre à une cuadrilla espagnole constituée d’un matador et de banderilleros. Généralement, on ne tuait pas de taureau, ou parfois 1 seul, le dernier. Voici un diaporama de quelques vues réalisées dans les anciennes arènes de « la Mecque de la course landaise » par un photographe anonyme et éditées par le Pomarézien Vincent Lussan. On remarquera que l’Harmonie était moins fournie qu’aujourd’hui mais que sa bannière récemment restaurée la précédait déjà…

Alexandre Baillet, le jeune martyr

Etoile montante de la Course Landaise, promis à un avenir glorieux, l’écarteur montois fut l’un des grands et jeunes martyrs de notre sport à la fin du 19e siècle.

Alexandre voit le jour à Mont-de-Marsan le 7 janvier 1874. Il est le fils d’un carrier, et peut-être parent d’un teneur de corde qui officie dans les années 1870-1890 au sein du troupeau Lagardère. Ses parents le placent très jeune comme vacher, et il se familiarise alors avec les coursières en les accompagnant à pied pour les courses de village. Il échappe au service militaire en bénéficiant d’une exemption sans que l’on en connaisse la raison.

Des débuts chaotiques mais prometteurs

A l’âge de 14 ans à peine, il effectue ses premiers écarts à l’occasion de « novilladas », ces courses landaises mixtes où les amateurs pouvaient commencer à briller et où il récolte ses premiers lauriers. Deux ans plus tard, on le retrouve devant les redoutables pensionnaires du ganadère de seconde Moncoucut-Gaillat, de Geaune, à qui il dessine de remarquables figures. Il s’affirme alors comme l’un des jeunes les plus prometteurs de sa génération.

Sa première prestation officielle, dans les arènes de Morlaàs, lui vaut une première et grave blessure : deux cotes enfoncées qui l’immobilisent pendant plusieurs semaines sur un lit d’hôpital. Mais ce premier échec ne le fait pas renoncer à sa vocation, comme d’ailleurs les tumades qu’il doit régulièrement subir.

En effet, le désir de bien faire ne manqua pas de lui occasionner d’autres contusions plus ou moins sérieuse. Il se trouve ainsi blessé à la main en mars 1892, lors de la première et très mouvementée course de l’année dans les arènes du Plumaçon, à Mont-de-Marsan. Il l’est beaucoup plus sérieusement l’année suivante à la même date et dans la même plaza, à l’occasion du grand concours tauromachique, où l’on doit l’évacuer sur l’hôpital mais remporte quand même le 9e prix de 25 francs. Il écarte à cette époque-là les pensionnaires de l’entente Baccarisse-Lagardère.

En 1894, il rejoint l’équipe de Bellocq, où il peut se perfectionner grâce aux conseils avisés d’écarteurs confirmés. Il affronte alors le rude bétail de Joseph Barrère, et gagne quelques galons. En mai, il termine ainsi 2e exæquo avec son chef aux grandes courses de Langon, juste derrière Martin II. L’année suivante, au début du mois de mars, il est au paséo de la première course de la saison, à Gabarret, où il fait déjà partie des écarteurs les plus renommés. Il se classe de nouveau 2e ex-æquo, mais avec Naves cette fois-ci et derrière Lafau, à l’issue des deux grandes journées de courses des fêtes de Pouydesseaux. Il brille également cette année-là à Orthez, toujours devant

Les 24 et 25 mai 1896, il participe aux grandes fêtes de bienfaisance organisées par la Société des Fêtes de Charité de Niort, dans les Deux-Sèvres. La cuadrilla est formée de 12 acteurs, dont plusieurs vedettes (Lacau, Casino, Mouchez, Kroumir, Bras-de-Fer, Naves, Laffau, Lapaloque, le sauteur Kroumir III) et le célèbre Louisotte, dit « Mamousse », au bout de la ficelle. Alexandre Baillet y arbore un veston et un maillot violets ainsi qu’un béret rouge et or. Les vaches sont celles de Joseph Barrère, qui a aussi fait faire le voyage à son taureau Golondrino. Après avoir obtenu un vif succès le dimanche, il subit de nouveau une rude tumade et reçoit un coup de corne au côté gauche qui nécessite les soins d’un docteur local. Par bonheur, la contusion est peu profonde.

Cela ne l’empêche pas de revenir dans la piste au mois d’août et de briller notamment lors des courses de Peyrehorade, où il empoche le deuxième prix de 200 francs derrière Laffau et devant 14 de ses collègues présents. Il participe également à quelques courses hispano-landaises, toujours en vogue à l’époque, comme celles qui sont organisées à Moissac, dans le Tarn-et-Garonne, en octobre 1896. A cette occasion, la première vache lui inflige un coup de corne au cou, mais heureusement sans gravité.

La course tragique de Bazas

Ce sont justement des courses hispano-landaises qui sont programmées en juin 1897 à Bazas, à l’occasion des traditionnelles fêtes de la Saint Jean. Elles sont dirigées par le matador français, l’ancien écarteur de Meilhan, Félix Robert. Cette vedette partage l’affiche avec deux banderilleros madrilènes, Juan Alarcon Mazzantinito, et Manuel Izquierdo Morenito, et un Landais, Auguste Nassiet. La cuadrilla landaise est composée des écarteurs Bellocq, Daudigeos, Laffau, Naves, Baillet, Mouchez, Lapaloque, Mathieu, et Bras-de Fer, ainsi que du sauteur Auguste Nassiet. Le teneur de corde est le fidèle Joseph Mamousse, dit Louisot, attaché depuis plusieurs années à la ganaderia Barrère.

Le 24 juin 1897, toutes les conditions sont réunies pour que le spectacle soit superbe. Le soleil brille, la foule qui se presse sur les gradins est impressionnante, et les vaches du châtelain de Buros se montrent « ardentes, mais peut-être trop entraînées ». Tous les écarteurs font preuve, comme à l’accoutumée, d’un grand courage, mais soudain arrive l’accident. Alexandre Baillet, après avoir exécuté un écart classique à la troisième sortie, se fait rejoindre par la vache qui lui inflige un violent coup de corne dans les côtes et à la base du crâne. On l’emporte immédiatement dans une auberge voisine, où il reçoit les premiers soins des docteurs Mivielle et Castets, médecins à Bazas et à Langon, ainsi que les derniers sacrements. Il est ensuite transféré à l’hospice municipal, où l’on diagnostique une fracture des cinquième et sixième côtes, du côté droit, mais surtout une perforation de la boîte crânienne avec de sérieuses lésions du côté du cervelet. Malgré son état jugé désespéré, il est soigné pendant plusieurs jours par les bonnes sœurs de charité. La presse locale, qui suit l’évolution des choses, mentionne en outre que Baillet se serait marié depuis deux semaines seulement, information dont elle ne garantit pas l’authenticité et dont je n’ai trouvé aucune trace jusqu’à maintenant.

Après de très longues souffrances, il décède dans cet établissement hospitalier le lundi 5 juillet, dans les bras de sa mère qui l’y avait rejoint. Ses obsèques ont lieu à Bazas le mercredi suivant. Sur le cercueil, deux couronnes avaient été déposées : l’une offerte par le Comité local des courses ; la seconde par Joseph Barrère et Félix Robert. Une troisième couronne offerte par la cuadrilla landaise fut déposée sur sa tombe. Son ami l’écarteur Joseph Naves, tenait l’un des cordons du poêle.

Il reste encore un mystère, celui de la vache qui infligea sa blessure mortelle au jeune Alexandre Baillet. D’après la presse bazadaise, mais qui n’était pas très familière de nos coursières, il s’agissait d’une certaine Maravilla. Pour Clic-Clac, qui vivait à l’époque de ce drame et connaissait toutes les vaches de Barrère, la coupable se nommait Moulinera, ce qui semble très plausible.

Enfin, un dernier nom est apparu dans un texte littéraire écrit 15 ans plus tard par Joseph de Pesquidoux sous le titre « La course landaise » et publié dans son livre Chez nous. Travaux et jeux rustiques. Il y évoque l’une des terreurs de nos écarteurs d’alors, la tueuse Caracola, déjà responsable de la mort de deux acteurs à l’époque de Baillet, et qui s’était fait une spécialité de foncer sur les hommes en zigzagant…. Elle perça beaucoup d’acteurs, et seul Marin osait l’écarter avant que Barrère ne la présente plus, faute de combattants pour l’affronter. D’après Pesquidoux, c’était bien elle qui avait causé la mort de Baillet, et il en voulait pour preuve que « le père de Baillet, un an après la mort de son fils, vint la voir courir. Descendu derrière la talenquère, il se trouva en face d’elle, qui rôdait autour de l’arène vide. Elle leva vers lui la tête. « Ah ! dit-il, que m’as béroï bién tuat lou drolo… » Tu m’as joliment bien tué le fils. Et il fondit en larmes… »

Article paru dans la Cazérienne, n° 204, février 1924

Un anniversaire oublié : l’inauguration des arènes de Lavardac (Lot-et-Garonne) (15 juillet 1934)

Bien sûr, ce n’est pas un centenaire, mais 90 ans c’est quand même un chiffre rond ! De plus, le Lot-et-Garonne n’a connu que peu d’arènes, et il est donc normal qu’on en parle un tant soit peu, ce que j’avais déjà fait en quelques occasions et que je réitère aujourd’hui… C’est donc le dimanche 15 juillet 1934 que furent inaugurées ces toutes nouvelles arènes avec le troupeau Cantegrit et la cuadrilla du grand Mazzantini. Voici ce qu’en dit la « Tuile » :
« Une nouvelle plaza vient de naître. Lavardac, patrie du grand aficionado Carrère, a inauguré sa nouvelle plaza. Situées dans un joli cadre, complètement agrandies, possédant une très bonne piste, les arènes de Lavardac sont dignes de figurer parmi les plus jolies plazas des Landes ou du Gers. Nous sommes heureux de féliciter ici les vaillants organisateurs du succès qu’ils ont obtenu, digne récompense de leurs efforts. La course d’aujourd’hui fut bonne et particulièrement la fin, qui mit aux prises Mazzantini, Le Suisse et Barthélemy, qui firent un joli travail à la nouvelle Passiega, laissant ainsi parmi le public une excellente impression. »
Au paseo, on trouvait, outre ces trois vedettes, Alban, Montfort, René II, Lavigne II, Lalande et Duffau. La cuadrilla réalisa 164 écarts et 19 sauts devant un bétail « assez médiocre dans son ensemble ». Il était constitué de Paquita, Lavardacaise (nouvelle), Guerrera, Ramona, Bonnite, Panthère, Secretaria, Passiega (nouvelle), Benzedora et Manolina.
Nous ne connaissons aucune image de ces arènes, qui contenaient 3 000 places et se dressaient « sous les ombrages des ormeaux de la magnifique place du Foirail », et si quelque Lot-et-garonnais ou autre coursayre en connaissait ou en possédait, qu’il n’hésite pas à nous faire passer l’info. D’avance, merci !

Les courses d’amateurs

En cette période estivale, comment ne pas parler des courses qui donnent l’occasion aux amateurs d’affronter les coursières (ou du moins leurs petites sœurs…) généralement réservées aux spécialistes ? Mais ces courses d’amateurs n’ont donné lieu chez nous que très rarement à des représentations sur cartes postales.
En voici cependant une, éditée par un magasin de Biarritz. Nous sommes dans les arènes de Bayonne, et le héros de cette scène semble en bien mauvaise posture. Un « peon » s’avance avec une cape, mais ne paraît pas très pressé de l’en sortir… A remarquer les protections des cornes de la vache, qui sont de véritables étuis, un peu comme ceux des « buous » camarguais lors des abrivados.

Un écart de Meunier, par Cel-le-Gaucher

Ce dessin est l’œuvre du célèbre Marcel Canguilhem, qui signait de son nom d’artiste « Cel-le-Gaucher ». Avant d’être reproduit sur des affiches de grand format bien connues des collectionneurs, il parut pour la première fois dans le journal La Course landaise, la fameuse « Tuile », dans son numéro du 30 mars 1924. Il était accompagné de la notice suivante :
« Nous présentons aujourd’hui à nos lecteurs un dessin inédit dû au crayon de notre ami CEL le gaucher. C’est le premier de la série nouvelle qu’il doit donner à l’Imprimerie Pindat, pour illustrer ses travaux de 1924.
Quatre ans d’études opiniâtres portent aujourd’hui leurs fruits, et le talent du vaillat mutilé – plus vigoureux et plus sûr que jamais – donne à ses compositions la vérité, le mouvement et la couleur qui se dégagent de notre beau spectacle.
Ses pages nouvelles feront époque, nous en sommes persuadés, dans les annales de la Tauromachie.
Le crayon de CEL perd toute sa raillerie lorsqu’il traite un sujet taurin. »

L’année suivante, en janvier 1925, la Tuile nous fournissait de nouveaux détails sur cette gravure et surtout sur son processus de création :
« Une feinte serrée! » C’est sous ce titre que notre dévoué dessinateur présenta, l’an passé, la plus formidable affiche illustrée pour courses landaises qui ait été faite à ce jour. C’était la réalisation définitive d’une œuvre esquissée trois ans auparavant et qui, durant cette période, fut tour à tour ébauchée, puis délaissée, fouillée ou abandonnée, puis reprise enfin par le vaillant mutilé jusqu’à ce que la planche si puissante, mais si ardue, lui donnât satisfaction.
Que d’heures employées, sur les gradins ensoleillés, à saisir – d’un œil plus précis que le Kodak – la rencontre de l’homme si agile et de la baquilla si rapide! Que d’heures passées ensuite, fusain ou burin en mains, devant la gigantesque image, avant que la première épreuve ne sortît de la machine à imprimer!
Quelle différence entre cette méthode et celle qui consiste à recopier lamentablement, mais rapidement, une carte postale ou un dessin d’autrui, méthode que certains essayèrent si maladroitement de pratiquer.
Il est réconfortant de constater que nulle Commission ou Syndicat de Fêtes n’ignore les efforts soutenus de Cel le gaucher et les heureux résultats obtenus – non sans quelques sacrifices – par cette collaboration constante entre l’artiste et l’imprimeur.
Chacun ne manque d’encourager ceux à qui le sport landais doit de voir fixer en de magistrales affiches, pécuniairement à la portée des plus modestes plazas, les plus belles pages de notre tauromachie contemporaine.
Aussi voit-on 90% des imprimés utilisés pour les fêtes organisées dans le sud-ouest sortir de l’imprimerie Pindat, dont l’outillage et l’installation sont d’ailleurs uniques dans les Landes, le Gers et les Pyrénées. A son incomparable collection de clichés s’ajoutent chaque année de nouvelles créations, que La Course landaise publie en temps opportun et qui fait la joie de tous les aficionados.
Sur ce point, l’an 1925 ne sera pas inférieur à son prédécesseur.

Et voici l’affiche dont il est question, la première de la fameuse série dont nous donnerons petit à petit toutes les autres composantes, provenant des fonds des Archives départementales des Landes (2 AFFI 48). On remarquera l’inversion de l’image, caractéristique de la technique de la gravure…