Les courses d’amateurs

En cette période estivale, comment ne pas parler des courses qui donnent l’occasion aux amateurs d’affronter les coursières (ou du moins leurs petites sœurs…) généralement réservées aux spécialistes ? Mais ces courses d’amateurs n’ont donné lieu chez nous que très rarement à des représentations sur cartes postales.
En voici cependant une, éditée par un magasin de Biarritz. Nous sommes dans les arènes de Bayonne, et le héros de cette scène semble en bien mauvaise posture. Un « peon » s’avance avec une cape, mais ne paraît pas très pressé de l’en sortir… A remarquer les protections des cornes de la vache, qui sont de véritables étuis, un peu comme ceux des « buous » camarguais lors des abrivados.

Un écart de Meunier, par Cel-le-Gaucher

Ce dessin est l’œuvre du célèbre Marcel Canguilhem, qui signait de son nom d’artiste « Cel-le-Gaucher ». Avant d’être reproduit sur des affiches de grand format bien connues des collectionneurs, il parut pour la première fois dans le journal La Course landaise, la fameuse « Tuile », dans son numéro du 30 mars 1924. Il était accompagné de la notice suivante :
« Nous présentons aujourd’hui à nos lecteurs un dessin inédit dû au crayon de notre ami CEL le gaucher. C’est le premier de la série nouvelle qu’il doit donner à l’Imprimerie Pindat, pour illustrer ses travaux de 1924.
Quatre ans d’études opiniâtres portent aujourd’hui leurs fruits, et le talent du vaillat mutilé – plus vigoureux et plus sûr que jamais – donne à ses compositions la vérité, le mouvement et la couleur qui se dégagent de notre beau spectacle.
Ses pages nouvelles feront époque, nous en sommes persuadés, dans les annales de la Tauromachie.
Le crayon de CEL perd toute sa raillerie lorsqu’il traite un sujet taurin. »

L’année suivante, en janvier 1925, la Tuile nous fournissait de nouveaux détails sur cette gravure et surtout sur son processus de création :
« Une feinte serrée! » C’est sous ce titre que notre dévoué dessinateur présenta, l’an passé, la plus formidable affiche illustrée pour courses landaises qui ait été faite à ce jour. C’était la réalisation définitive d’une œuvre esquissée trois ans auparavant et qui, durant cette période, fut tour à tour ébauchée, puis délaissée, fouillée ou abandonnée, puis reprise enfin par le vaillant mutilé jusqu’à ce que la planche si puissante, mais si ardue, lui donnât satisfaction.
Que d’heures employées, sur les gradins ensoleillés, à saisir – d’un œil plus précis que le Kodak – la rencontre de l’homme si agile et de la baquilla si rapide! Que d’heures passées ensuite, fusain ou burin en mains, devant la gigantesque image, avant que la première épreuve ne sortît de la machine à imprimer!
Quelle différence entre cette méthode et celle qui consiste à recopier lamentablement, mais rapidement, une carte postale ou un dessin d’autrui, méthode que certains essayèrent si maladroitement de pratiquer.
Il est réconfortant de constater que nulle Commission ou Syndicat de Fêtes n’ignore les efforts soutenus de Cel le gaucher et les heureux résultats obtenus – non sans quelques sacrifices – par cette collaboration constante entre l’artiste et l’imprimeur.
Chacun ne manque d’encourager ceux à qui le sport landais doit de voir fixer en de magistrales affiches, pécuniairement à la portée des plus modestes plazas, les plus belles pages de notre tauromachie contemporaine.
Aussi voit-on 90% des imprimés utilisés pour les fêtes organisées dans le sud-ouest sortir de l’imprimerie Pindat, dont l’outillage et l’installation sont d’ailleurs uniques dans les Landes, le Gers et les Pyrénées. A son incomparable collection de clichés s’ajoutent chaque année de nouvelles créations, que La Course landaise publie en temps opportun et qui fait la joie de tous les aficionados.
Sur ce point, l’an 1925 ne sera pas inférieur à son prédécesseur.

Et voici l’affiche dont il est question, la première de la fameuse série dont nous donnerons petit à petit toutes les autres composantes, provenant des fonds des Archives départementales des Landes (2 AFFI 48). On remarquera l’inversion de l’image, caractéristique de la technique de la gravure…

Louis PICARD

Né à Mont-de-Marsan le 29 mai 1874, décédé à Labastide-d’Armagnac le 8 septembre 1932.

« Très bon écarteur du début du XXe siècle. C’est à Coudures que Louis Picard tout juste âgé de 17 ans se penche pour la première fois. Dès l’année suivante, conseillé par Lacau qui l’a pris sous son aile et « ne redoutant aucune vache quand il est dans de bonnes dispositions » (dixit Picard, lui-même), il va décrocher des prix tous les ans. (…) En [18]99, alors qu’il appartient à la cuadrilla du chef Hains, il se distingue à Saint-Pierre-du-Mont devant les coursières du ganadero Barrère. En 1900, Picard réalise une bonne prestation à Peyrehorade devant le bétail de Lagardère (…). L’année suivante, avec la cuadrilla de Marin Ier, il s’illustre devant les bêtes du nouveau ganadero Passicos à Toulouse et à Bordeaux où il se montre « courageux » mais il est blessé assez gravement à Habas. (…) En 1902, Picard assure quelques sauts lors du concours à Bordeaux entre les troupeaux Passicos et Bacarisse avant de remporter un premier prix de 80 fr. à Grenade-sur-l’Adour. L’année suivante, Picard s’engage avec le ganadero Barrère chez qui il va faire partie des têtes de la cuadrilla (…). Puis, en 1904, Picard signe chez Dubecq avec un premier prix au printemps aux arènes de la Bénatte à Bordeaux et un défi lancé à Henri Meunier, le nouveau roi de l’arène, le 22 octobre à Mont-de-Marsan. L’année suivante, retour chez Barrère pour une saison avant de redevenir tête de cuadrilla chez Dubecq pendant les quatre saisons qui vont suivre. En 1906, Louis Picard fait partie des 12 sélectionnés pour le premier concours de l’histoire, organisé par le journal La Talanquère dans les arènes du chef-lieu des Landes. (…) On va le retrouver chez Portalier après l’arrêt de Dubecq et en 1912, alors qu’il a rejoint le ganadero débutant Alexis Robert dont il admire la coursière Passiega, « la plus complète », Picard figure souvent au palmarès (…). En 1914, il travaillera au sein des cuadrillas du Syndicat des toreros. Après la grande guerre, au sein de l’équipe attachée au ganadero gersois Lafitte qui a remplacé Alexis Robert, Louis Picard, à plus de 45 ans, participe à la remise en route de la Course landaise et assure même le poste de chef de cuadrilla durant la saison 1921. »

Éléments biographiques tirés du Dictionnaire encyclopédique des écarteurs landais de Gérard Laborde (Éditions Gascogne, 2008), p. 448-449 (avec l’aimable et amicale autorisation de l’auteur)

Ficien MAXIME

Cette année, nous fêtons le 150e anniversaire de Ficien Maxime, né à Rion-des-Landes le 29 septembre 1874, et décédé à Laluque le 26 octobre 1918.
« Très bon écarteur de la fin du XIXe siècle et du début du XXe. Dès l’âge de 12 ans, il participe à des novilladas et va très vite se faire remarquer, ce qui lui vaudra de faire sa première apparition en formelle à Saint-Sever en 1892 avec le troupeau Bacarisse. En 1894, Maxime se fait applaudir lors de sa présentation à Bordeaux, le 8 avril, où il décroche le quatrième prix. Puis il remporte un premier prix de 90 fr. (…). Cette prouesse réalisée notamment face à la terrible Mogone lui vaut d’être intégré à la cuadrilla dirigée par Bellocq. (…) L’année suivante, il est dans la cuadrilla de Félix Robert avec qui il va travailler dans la partie traditionnelle des nombreuses courses hispano-landaises données à cette époque dans les plus grandes places et remporte même le premier prix des fêtes de Saint-Pierre à Dax. Aussi, Maxime est présenté parmi les meilleurs du concours tauromachique du 20 octobre, à Bayonne, comme « l’écarteur sur la feinte ». En [18]99, alors qu’il appartient à la cuadrilla dirigée par Joseph Hains, et qu’il est « vu pour la première fois » à Arcachon pour l’Ascension, il triomphe devant « l’excellent bétail » du ganadero Lagardère. Il récidive pour les fêtes d’été de Saint-Paul-lès-Dax devant les rudes cornupètes du ganadero Dubecq. Par la suite, lors d’un saut à Nérac, il se casse la jambe et passera de longs mois loin de la piste. Pourtant, à partir de 1901, Maxime s’enrôle dans la cuadrilla qui suit le troupeau de Passicos, le nouveau ganadero dacquois. Cette première année, Maxime va se mettre souvent en évidence (…). Pendant six saisons consécutives, Maxime va être l’une des têtes de sa cuadrilla. En 1904, alors qu’il est toujours sous contrat avec Passicos, Maxime triomphe le 20 mars à Bordeaux et est toujours parmi les meilleurs aux fêtes de Dax (…). En 1906, il va faire partie des 12 écarteurs sélectionnés pour le premier concours tauromachique de l’histoire organisé par le journal La Talanquère ; Maxime « dont les ressources sont nombreuses obtint un franc et légitime succès », et y remportera d’ailleurs le troisième prix de 90 fr. Le 20 mai suivant, à Toulouse, « son travail à la terrible Picalina qui avait cassé sa corde a été merveilleux d’audace et de témérité ». (…) En 1909, il signe avec les frères Passicos qui ont remonté la ganaderia familiale et chez qui il est toujours tête de cuadrilla. (…) Mais [en juillet 1911], Maxime va perdre l’œil droit en place du Houga. En 1911, seulement deux deuxièmes prix (…) ce qui le place en 19e position sur les 141 toréadors en exercice. Puis « Maxime, cet écarteur toujours aussi poli envers le public et toujours aussi aimable envers ses collègues, allant très souvent au quite », continuera à être un des hommes de base de sa cuadrilla. »
Eléments biographiques tirés du Dictionnaire encyclopédique des écarteurs landais de Gérard Laborde (Editions Gascogne, 2008), p. 379-380 (avec l’aimable et amicale autorisation de l’auteur)

Pour compléter ce portrait, voici la relation de l’accident survenu à Maxime dans les arènes du Houga, rapportée par Le Républicain landais :
« Un écarteur grièvement blessé. Le vaillant et brillant toréador landais Maxime a reçu dimanche dernier, en place du Houga, une terrible cogida. Le petit Landais venait de toréer Ortalana et il citait Javonera, une baquille de Roque numérotée 111, lorsque l’encornée – bondissant furieusement sur l’homme – saisissait ce dernier à la fin du saut et lui trouait le visage au-dessous de l’œil gauche.
Relevé par Maurice et transporté à l’infirmerie, Maxime reçut sur-le-champ les soins éclairés de MM. les docteurs Garens, du Houga, et Lalaguë, de Villeneuve-de-Marsan. Tenace, le Dacquois voulut encore écarter. Ses amis l’en empêchèrent. Dans la soirée l’état du malade empira, l’œil apparut grièvement atteint. La Commission des fêtes manda lors, par téléphone, M. Lafontan, l’automobiliste montois bien connu. Ce dernier, en compagnie de Marcelin Kroumir, transporta l’infortuné torero à l’hôpital de Dax dans la matinée de lundi. Quelques heures plus tard, et en raison du caractère spécial de la blessure, Maxime gagnait la clinique d’un spécialiste bayonnais.
Le malheureux écarteur a été opéré par M. le docteur Lavie, un oculiste éminent : l’œil blessé a été enlevé. » (Le Républicain landais, 9 juillet 1911)

Merci aux Editions Memoring !

Il est enfin sorti ce printemps, et est disponible dans les meilleures librairies de la région ainsi qu’auprès des Éditions (https://www.memoring-editions.com/) ou de la Société de Borda (https://www.societe-borda.com/boutique/). On pourra également le trouver (avec son auteur…) lors des compétitions fédérales de la Fédération Française de la Course Landaise ou de salons du livre régionaux. A bientôt de vous y croiser !