Provençaux ou Landais ?

Récemment acquise, cette superbe carte-photo de deux toreros, réalisée à Alger par le photographe H. Besson. Manifestement, il s’agit de membres d’une cuadrilla de course hispano-landaise ou hispano provençale. Peut-être celle de Félix Robert, notre matador de Meilhan, qui alla effectivement se produire en Afrique du Nord dans les années 1890. Le béret semble plus provençal que landais (nos écarteurs portaient alors un béret avec gland). Je pensais qu’il pouvait s’agir des frères (ou de l’un des deux) Nassiet, mais les photos que nous avons d’eux ne correspondent pas. L’enquête continue et je compte sur vous pour trouver la solution de cette énigme.

Adishatz.

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Courses landaises… ou espagnoles ?

Cette carte-photo que j’ai trouvée présente un double intérêt. En premier lieu, il faut dire que cette image est connue, car elle a servi au moins pour deux cartes postales imprimées, mais avec deux légendes différentes. L’une est intitulée: « Mont-de-Marsan. Courses espagnoles »; et l’autre: « 210. Aux arènes montoises. Courses landaises. L’entrée ». Ces 3 documents ont été réalisés à partir du même cliché, mais celui-ci a été coupé vers la droite sur cette carte-photo (après le picador) et non sur les cartes postales dont je publie l’une d’elles ci-dessous. Au contraire, on voit le haut des arènes et leur décoration sur la photo, mais pas sur les cartes postales.

Alors, courses espagnoles ou landaises? Eh bien, les deux mon général, puisqu’il s’agissait en l’occurrence de courses hispano-landaises que je vous ai présentées à plusieurs reprises sur ce blog. L’autre intérêt de ce document est qu’il nous donne une date, celle de 1903, ce qui nous permet maintenant de dater nos autres documents.


Les courses hispano-landaises à Pomarez

A la grande époque des courses hispano-landaises, que j’ai évoquées dans le n° 176 de La Cazérienne de juin 2019 et dans un article de ce blog (https://patrimoinecourselandaise.org/2018/02/10/les-courses-hispano-landaises-1/ ), Pomarez a été l’une des plazas qui en a accueilli plusieurs. Voici certainement l’une des plus vieilles affiches concernant ce type de spectacle dans « La Mecque » des courses landaises. Elle concerne les courses des 13 et 14 août 1899 et est conservée aux Archives départementales des Landes sous la cote 4 M 120. La partie des « courses espagnoles » était assurée par la cuadrilla du grand matador-écarteur-ganadero landais Félix Robert; quant à celle des courses landaises, on note seulement que le bétail provenait de sa propre ganaderia et de celle de Lagardère. Le nom des écarteurs n’est pas cité, mais les frères Nassiet ne devaient pas être loin.

Les courses « hispano-landaises » (1)

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Il s’agissait de courses mixtes, réunissant en un seul spectacle des courses espagnoles et des courses landaises. Elles naquirent dès le début des années 1860, et constituèrent en quelque sorte une réponse à la fameuse loi Grammont de 1850 interdisant la maltraitance des animaux domestiques.

La partie espagnole, souvent privée des picadors et ne comprenant qu’un simulacre de mise à mort, était constituée du jeu à la cape et à la muleta et de la pose de banderilles. La partie landaise ressemblait la plupart du temps aux courses « simples », et l’on n’y faisait courir généralement que du bétail nouveau, sans corde. Les spectateurs assistaient donc à deux courses distinctes, qui se déroulaient alternativement. Le paséo était fait en commun par les deux cuadrillas, l’espagnole marchant le plus souvent en tête, suivie de la landaise. Elles connurent beaucoup de succès dans les années 1880-1910. Il est très probable que la présence de l’alguazil dans quelques paséos de vraies courses landaises (comme nous l’avons montré sur plusieurs images) provient de ce genre de spectacles hispano-landais.

Voici le jugement un peu critique que Prosper Séris portait sur ce type de courses :

« Nous n’avons pas à cacher notre opinion personnelle sur les courses hispano-landaises aujourd’hui à la mode dans notre contrée. Elles nous laissent souvent très froid et nous avouons notre préférence marquée pour la vraie course landaise avec le meilleur bétail espagnol et, surtout, pour la course espagnole pure telle qu’il est interdit pour le moment de la voir ailleurs qu’en Espagne.

Nous devons pourtant reconnaître que la course hispano-landaise, espèce de carte forcée ou de moyen terme imposé, non pas par nos mœurs, mais par les mœurs du nord de la France, est un spectacle qui offre de l’attraction à beaucoup de landais et, surtout, aux étrangers qui viennent assister à nos fêtes.

Mais, si nous ne sommes pas partisan de ces courses pseudo-sérieuses, nous n’en sommes pas non plus les adversaires irréconciliables, car nous espérons que la faveur que le public leur accorde nous a chemine peu à peu vers le but que doivent poursuivre les vrais tauromaches : la course espagnole pure. »

Cette superbe planche, tirée du Bulletin de la Société de Borda de 1891, nous montre qu’à Dax, en 1890, on avait bravé (comme souvent dans l’histoire de la tauromachie locale) les interdits, et l’on aperçoit en fond d’image deux picadors fermant la marche… Les 3 agents municipaux, au premier plan, dont le porte-drapeau, sont superbes! Cette course se déroulait dans les anciennes arènes, en face de la Poste actuelle.

Après Dax, nous voici à Mont-de-Marsan, ici également avec des picadors et un alguazil. Par contre, le groupe des écarteurs (à gauche) et celui des matadors (à droite) défilent ce jour-là chacun en file indienne.

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Une meilleure vue de face…

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Même configuration de paséo à Casteljaloux qu’à Mont-de-Marsan. Landais et Espagnols défilent chacun dans leur rangée. Il semble donc qu’à cette époque, vers 1910, on ait abandonné la pratique « hiérarchisée » des années 1880-1890 où les matadors précédaient assez systématiquement les écarteurs.

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Voici maintenant l’une des cartes consacrées aux courses hispano-landaises de Pomarez par l’éditeur Vincent Lussan. L’originalité réside bien sûr dans l’organisation du paséo: deux matadors devant et de chaque côté des écarteurs, qui étaient bien plus nombreux…

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Mais parfois, on inversait, comme on le voit sur cette image où le photographe a déclenché un peu tardivement…

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Dans les anciennes arènes de Soustons, où l’alguazil précède les acteurs, les Landais semblent également encadrer les Provençaux. Nous avons la chance de savoir qui participe à ce superbe paseo : il s’agit pour les toréadors de la cuadrilla du fameux Pouly, et pour nos écarteurs de la non moins fameuse équipe de la ganaderia Passicos, de Dax.

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La photographie que je vous présente maintenant a été publiée dans le journal taurin espagnol Pan y Toros du 22 février 1897. Elle représente le paseo d’une course hispano-landaise dans les arènes (ancienne version) de Mont-de-Marsan. On y voit, de manière originale, défiler d’abord la cuadrilla espagnole, puis le quadrille de nos écarteurs landais.

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Par contre dans la piste, comme on peut le voir sur cette image d’une course à Soustons, tous les acteurs étaient parfois gentiment mêlés et les écarteurs ne dédaignaient pas parfois de prendre la cape, comme celui de dos au premier plan, au centre…

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