CLIC-CLAC (Elie Moringlane, dit)

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Bernard, Elie MORINGLANE est né à Montaut le 27 octobre 1860, et décédé à Cazères-sur-l’Adour le 25 février 1923. Il était à la fois docteur en médecine et chroniqueur de course landaise.

Jean de Lahourtique, son ami, dresse un portrait tout empreint de « respect filial » du célèbre chroniqueur de Cazères dans L’Almanach de la Course landaise pour 1914, où l’on apprend qu’avant d’être la Tuile, le fameux journal taurin était appelé la Brique en raison e sa couleur particulière :

« Depuis le 19 mars 1905, jour où il fonda la petite feuille rouge que certains, plus osés parce que plus jeunes, qualifient de brique, Clic-Clac, avec une sérénité parfaite et une constance admirable, adresse à l’ami Pindat sa prose instructive, alerte et spirituelle. Avec l’autorité qui s’attache à son nom, avec cette compétence scrupuleuse que nul ne cherche à lui contester, Clic-Clac publia sur la course landaise, sur les écarteurs et sur les baquillas, des études sérieuses, documentées, qui dénotaient chez leur auteur une connaissance approfondie du sujet qu’il traitait. Son jugement sur les hommes, sur les choses qui se déroulent dans l’arène, était toujours marqué au coin du bon sens le plus équitable et le plus solide. Il disait la vérité même à ceux qui auraient préféré un autre langage.
Habitué depuis de longues années à manier avec dextérité et maîtrise le scalpel, il n’hésitait pas à fouiller profondément la plaie dont souffrait et souffre encore notre sport landais. Il semblait, parfois, prendre un malin plaisir à excursionner, bistouri en main, sur un terrain que les profanes considéraient comme inabordable. Lui, avec cette assurance mâle qu’il conserve devant les dangers, quelle qu’en soit la nature, il continuait son oeuvre d’assainissement taurin. Il étalait, au grand jour, sans souci et sans crainte des controverses, le mal tel qu’il l’avait trouvé, avec les conséquences fâcheuses qu’il en pourrait résulter. Son diagnostic était presque toujours celui qu’il avait indiqué. Sa vieille expérience le trompait rarement. Et dans les discussions que soulevaient quelquefois ses affirmations et ses dires, il mettait une coquetterie gasconne à rester toujours courtois et correct. »

Et voici la notice qui lui est consacrée par Bernadette Suau, dans l’ouvrage Mémoire des Landes, Mont-de-Marsan, Ed. Comité d’études sur l’histoire et l’art de la Gascogne, 1991, p. 81 :
« Dès son adolescence qui s’est déroulée à Montaut (Chalosse), le jeune Moringlane s’est passionné pour la course landaise. Il s’était installé comme médecin à Cazères-sur-l’Adour, mais, toute sa vie, il s’intéressa à ce jeu typiquement landais. Avec son ami l’imprimeur Pindat, Moringlane fonda, en 1905, La Course Landaise, journal dont il resta le rédacteur en chef jusqu’à sa mort. Par la qualité de ses articles, il sut conférer à cette revue taurine une réputation justifiée. Technicien averti de la course landaise, le docteur Moringlane publia à Mont-de-Marsan, en 1905, l’Histoire des courses landaises depuis les origines jusqu’à nos jours, préfacée par P. Séris, lui-même auteur en 1889, d’une Etude sur les courses de taureaux en France. Médecin réaliste et humaniste, Clic-Clac fonda également la Société des Secours mutuels des toréadors landais. La même année (1906), F. Tassine, chef de musique à Mont-de-Marsan, composa une « Marche des écarteurs landais », intitulée La Cazérienne, en hommage au médecin de Cazères qui exerça aussi sa profession avec compétence et générosité, si bien qu’on l’a surnommé le « médecin des pauvres ». »

Et le voici croqué dans la fameuse Tuile en 1911.

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« Marche Cazérienne » vs « Carmen »

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C’est en 1906 que Fernand Tassine, chef de musique à Mont-de-Marsan, compose cette « Marche des écarteurs landais », intitulée La Cazérienne, en hommage au Docteur Elie Moringlane, le célèbre « Clic-Clac », alors médecin à Cazères-sur-l’Adour.

En 1908, le journal La Course landaise publiait sous le titre « Marche musicale tauromachique » une chronique qui avait pour but de sonner le glas de la musique de Carmen comme musique de paseo des courses landaises et de permettre à notre Cazérienne, créée en 1906, de s’imposer définitivement. Je ne résiste pas à l’envie de vous la faire connaître…
« Je nomme un chat un chat et Carmen une hérésie en course landaise.
Que pouvez-vous trouver de plus anormal et de plus grotesque que le défilé des écarteurs dans l’arène aux sons d’une marche espagnole ?
Figurez-vous une pièce de théâtre avec des bonshommes de 1830, costumés en Français de 1908 !
En sus de l’anomalie qu’il y a à entendre Carmen dans nos courses, le morceau comporte (au point de vue musical) quelques difficultés d’exécution, quelques intonations bizarres, qui ne sont pas à la portée des premiers trompétayres venus.
Il s’agissait donc de revenir à la pure couleur locale. Et nous y sommes …
En mai prochain, M. Dupeyrat, éditeur de musique à Savignac-d’Allemans (Dordogne), éditera la Marche tauromachique landaise, absolument destinée au paseo de nos écarteurs et intitulée : La Cazérienne. Paroles de M. Georges Rande, musique de M. Fernand Tassine.
Ce délicieux morceau, d’un goût exquis, de style svelte et harmonieux, a été orchestré pour musiques militaires, pianos, harmonies et fanfares.
Nous prions tous ceux qui auraient intérêt à se le procurer de s’adresser à M. Dupeyrat, éditeur, qui l’adressera franco, aux prix suivants : pour piano, 1fr.50 ; doublures, 0fr.10 ; conducteur, 0fr.25. »

Notre hymne de la course landaise a cependant mis un certain temps à le devenir véritablement et faillit même disparaître… Il subit en effet encore longtemps la concurrence d’une part de Carmen, et de l’autre de la Marseillaise, qu’on avait tendance à jouer systématiquement lorsque des autorités se trouvaient dans la tribune présidentielle…
Au lendemain de la reprise des courses après la Grande Guerre, le journal La Course landaise du 31 août 1919 se fait l’écho de cet état de fait :

« La Marche Cazérienne fut autrefois jouée par tous les orchestres de courses. Pourquoi l’a-t-on supprimée des répertoires ? Certes, l’air du Torero de Carmen est très entraînant, mais la Marche Cazérienne peut le remplacer quelquefois ou tout au moins être jouée immédiatement après Carmen. Que nos musiciens se le rappellent ! »

Voici le texte original de ce morceau d’anthologie…

Salut toréador dont l’œil jette la flamme
Vous qui d’un pas léger affrontez les taureaux
Avancez crânement la foule vous acclame
Venez vaincre la mort au bruit de nos bravos

J’admire votre port fait de mâle courage
Quand les bras grands ouverts et le jarret raidi
Vous attendez la bête écumante de rage
Et trompez son élan d’un coup de rein hardi

Des feintes des écarts le foule enthousiasmée
Mêle ses cris d’émoi aux cuivres en fureur
La brute plusieurs fois sur vous fait sa ruée
Sur place en tournoyant vous évitez sans peur

Vaincu le fauve tombe et comme une tempête
Des bravos crépitants courent sur les gradins
Et vous à petit pas mais surveillant la bête
Vous saluez très fier du front et des deux mains

Toutefois si grisé d’un regard de soubrette
Inconscient vous cherchez son sourire enchanteur
Ne vous oubliez pas le taureau qui vous guette
Aussi prompt que l’éclair peut vous frapper au cœur.

Combien de vos aînés, surpris en pleine gloire,
Sont retombés, sanglants sur les sables rougis :
Un œil noir provocant au seuil de la victoire,
Pour un instant fatal les avait éblouis.

Tauromaches landais, fervents des talenquères,
Vous qui, des toreros, incitez les ardeurs,
Venez, des beaux combats, nos arènes sont fières :
Ici sont les champions qui portent haut les cœurs.

Et voici maintenant la version gasconne (en graphie normalisée, établie par A.-M. Lailheugue, CPD-LCR) que Jean Barrère a composée sur cette même musique de Tassine, et destinée à rendre hommage à Auguste Camentron dit Mazzantini… Vous pouvez aussi l’écouter chantée par les enfants dans une course à Estang en 2015 : http://www.lamedungascon.fr/la-marche-cazerienne/.

A tu Mazzantini, aquera qu’ei la toa,
Se ne l’escartas pas seràs un pelheràs.
A tu Mazzantini, que’t la cau escartar
Totun se vòs pojar en haut de l’escalòt.
À toi Mazzantini, celle-là c’est la tienne,
Si tu ne l’écartes pas, tu seras un grand fainéant.
À toi Mazzantini, il faut que tu l’écartes
Si tu veux monter tout en haut de l’escalot.
Aqui l’òmi pitat au bèth miei de la pista,
Qu’ei a desemprovar 1o sòu a còps de pè.
Lavetz que shiula un còp e que hèi un gran saut.
Quan torna devarar, l’aujami qu’ei passat.
Voici l’homme dressé au beau milieu de la piste,
Il prépare son terrain en égalisant le sol avec ses pieds.
Alors il siffle un grand coup et il fait un grand saut.
Quand il retombe, le danger est passé,
La gent tot d’un còp muda
Comença de bohar, de’s lhevar, de gular,
Aquò qu’ei escartar.
Mazzantini tot fièr torna aperar la vaca
E en un gran balanç
Hèi detz escarts de mei,
Pojar, devarar, en dehens ! (bis)
Barar !
La vaca li voló plan esquiçar lus pantalons.
N’ac podó pas, Mazzantini qu’èra tròp bon.
Aquò ne hèi pas ren, qu’i tornarà.
La soa idea qu’ei deu tumar.
Si uei ne’u honha pas, qu‘i aurà doman entà’u gahar.
La foule tout à coup muette
Se met à souffler d’émotion, se lève, hurle,
Ça, c’est un écart !
Mazzantini très fier rappelle la vache
Et, continuant sur sa lancée,
Exécute dix écarts de plus.
Monter, descendre, en dedans !
Fermer !
La vache aurait bien voulu lui déchirer le pantalon.
Elle ne put pas, Mazzantini était trop bon.
Ça ne fait rien, elle recommencera.
Sa volonté est de le frapper.
Si elle ne l’attrape pas aujourd’hui, elle aura demain pour y arriver.