Les courses « hispano-landaises » ont été très en vogue dans les Landes entre le milieu des années 1860 et la Première Guerre mondiale. Elles s’organisaient en deux parties : l’une réservée aux écarteurs et sauteurs, et l’autre à une cuadrilla espagnole constituée d’un matador et de banderilleros. Généralement, on ne tuait pas de taureau, ou parfois 1 seul, le dernier. Voici un diaporama de quelques vues réalisées dans les anciennes arènes de « la Mecque de la course landaise » par un photographe anonyme et éditées par le Pomarézien Vincent Lussan. On remarquera que l’Harmonie était moins fournie qu’aujourd’hui mais que sa bannière récemment restaurée la précédait déjà…
Étiquette : Courses hispano-landaises
Courses landaises… ou espagnoles ?

Cette carte-photo que j’ai trouvée présente un double intérêt. En premier lieu, il faut dire que cette image est connue, car elle a servi au moins pour deux cartes postales imprimées, mais avec deux légendes différentes. L’une est intitulée: « Mont-de-Marsan. Courses espagnoles »; et l’autre: « 210. Aux arènes montoises. Courses landaises. L’entrée ». Ces 3 documents ont été réalisés à partir du même cliché, mais celui-ci a été coupé vers la droite sur cette carte-photo (après le picador) et non sur les cartes postales dont je publie l’une d’elles ci-dessous. Au contraire, on voit le haut des arènes et leur décoration sur la photo, mais pas sur les cartes postales.
Alors, courses espagnoles ou landaises? Eh bien, les deux mon général, puisqu’il s’agissait en l’occurrence de courses hispano-landaises que je vous ai présentées à plusieurs reprises sur ce blog. L’autre intérêt de ce document est qu’il nous donne une date, celle de 1903, ce qui nous permet maintenant de dater nos autres documents.

Les courses hispano-landaises à Pomarez
A la grande époque des courses hispano-landaises, que j’ai évoquées dans le n° 176 de La Cazérienne de juin 2019 et dans un article de ce blog (https://patrimoinecourselandaise.org/2018/02/10/les-courses-hispano-landaises-1/ ), Pomarez a été l’une des plazas qui en a accueilli plusieurs. Voici certainement l’une des plus vieilles affiches concernant ce type de spectacle dans « La Mecque » des courses landaises. Elle concerne les courses des 13 et 14 août 1899 et est conservée aux Archives départementales des Landes sous la cote 4 M 120. La partie des « courses espagnoles » était assurée par la cuadrilla du grand matador-écarteur-ganadero landais Félix Robert; quant à celle des courses landaises, on note seulement que le bétail provenait de sa propre ganaderia et de celle de Lagardère. Le nom des écarteurs n’est pas cité, mais les frères Nassiet ne devaient pas être loin.

Des courses à… Moissac en 1896

Dans la série « Nos Landais s’exportaient bien »…. On le sait peu, mais le Tarn-et-Garonne fut un temps une terre taurine. La ville de Moissac, célèbre par son abbaye romane, connut en particulier plusieurs courses hispano-landaises. Voici, grâce au fouineur Christian Capdegelle, la relation de celles qui s’y déroulèrent au mois d’octobre 1896. Je n’ai retenu que les passages concernant notre sport landais, mais l’ami Christian a en archives le compte-rendu intégral de la partie corrida, menée en particulier par Félix Robert.
« Moissac. – Les courses de taureaux. – Dimanche, à l’occasion de la première journée des courses de taureaux, spectacle des plus rares dans la région, nous avons eu dans nos arènes moissagaises une énorme affluence d’étrangers. (…) A 2 heures a eu lieu la promenade en ville des matadors, écarteurs, banderilleros et toreros. Malgré un orage, suivi d’un peu de grêle, qui a éclaté avec du tonnerre de 11 heures à midi, le terrain de la place des Récollets était très propice pour les courses.
A 3 h. 5, toute la troupe fait son entrée dans l’arène et vient saluer M. le maire, suivant l’usage.
Les courses landaises ont été bien menées et s’il y a eu quelques vaches un peu paresseuses, en revanche d’autres ont été très agiles et marchaient avec un grand entrain.
A l’apparition de la première vache et au premier écart qui a été fait, le sieur Mathieu [Mathieu Banquel] a été frappé à la joue, pas trop sérieusement, car il a continué ses exercices et a donné une juste idée de son travail de hardiesse qui mérite des compliments. Les écarteurs Nassiet et Bellocq ont fait un travail remarquable avec des écarts et des sauts, des vaches qui étaient des plus téméraires ; les écarteurs étaient bien secondés par leurs confrères et par le teneur de corde Louisat [en fait Louis Mamousse, dit Louisot ou encore Mamousse].
Les artistes de M. Barrère, comme son troupeau, méritent la réputation qu’ils ont. Après la surséance a lieu la course aux taureaux. (L’Express du Midi, mercredi 14 octobre 1896) ».
« Moissac. – Courses de taureaux. – On lit dans le Ralliement de Montauban :
Moins belle que celle du dimanche précédent, la journée d’hier avait attiré une moindre affluence à nos courses. Cependant les étrangers y étaient encore nombreux. Est-ce qu’ils se passionnent pour ce spectacle ? Nous croyons plutôt qu’ils y viennent poussés par la curiosité. Quoi qu’il en soit, voici ce qui s’est passé, en une éclaircie, dans notre arène.
Courses landaises. – Toujours un peu pâles comme mises en scène, en dépit de l’habileté des écarteurs. Baillet, Nassiet, Lafon [pour Laffau ?], Barthélémy, Marin II, Daudigeos, Belloc ont été téméraires jusqu’à la folie et leurs écarts et leurs sauts ont à plusieurs reprises provoqué les applaudissements du public. Baillet a reçu de la première vache, un coup de corne au cou, mais la blessure est sans gravité. En somme, bonne course ; mais, je le répète, un peu trop grise par un temps qui ne l’était pas moins. (L’Express du Midi, mardi 20 et mercredi 21 octobre 1896)
Les courses à Bordeaux en 1872 (2)

Je vous l’avais promis, et je tiens cette promesse ! Voici donc le compte-rendu de cette joute entre Landais et Espagnols, certainement l’une des premières de ces courses hispano-landaises qui deviendront très à la mode deux décennies plus tard. Et bien sûr, l’on y voit ce furent les Landais qui tirèrent largement leur épingle du jeu… A noter, au passage, la très bonne analyse du chroniqueur sur la différence entre bêtes espagnoles et landaises. On trouve cet article toujours dans La Petite Gironde, le 8 juin 1872 :
« Hier, aux Arènes-Landaises, il y avait moins de monde que dimanche ; on peut cependant évaluer à quatre mille le nombre des curieux. La journée a été fort triste : un accident est arrivé et les courses n’ont, rien valu : les banderilleros manquaient de sang-froid, et l’écarteur landais Tegnest a été fortement blessé. Nous n’hésitons pas à rendre le public responsable de ce regrettable accident ; ses exigences irréfléchies en sont la cause. Une seule chose peut lui servir d’excuse : son inexpérience des courses. Nous y reviendrons, mais procédons par ordre :
Les Espagnols ont d’abord fait une entrée assez grotesque; leurs costumes étaient non seulement fanés, mais sales ; leurs capas étaient de véritables guenilles. Trois cavaliers formaient la tête du cortège; ils étaient suivis de quatre pages, six lanceros et six banderilleros qui, seuls, sont demeurés dans l’arène.
Lorsque ces gens-là se sont trouvés en présence des taureaux landais, ils ont perdu, non leurs jambes, mais leur sang-froid. Grande, en effet, est la différence entre le fougueux taureau des ganaderias espagnoles qui n’a jamais couru et celui qui est rompu aux courses landaises : le premier, aveuglé par la colère, court en ligne droite sur la capa ; son élan est si fort, qu’il passe à côté du banderillero qu’il effleure, sans pouvoir modérer la rapidité de sa course et se détourner de la ligne droite. Autres sont les habitudes du taureau landais ; par suite de la fréquentation des arènes, il devient plus circonspect, plus dangereux, plus avare de courses irréfléchies ; il ne court plus sur l’homme que si ce dernier est décidé à l’attendre de pied ferme, « à 15, 20, 30 mètres de distance au plus ; » on est obligé d’employer la ruse (par exemple l’emmener dans un coin de l’arène) pour le faire partir de plus loin. Sauf de rares exceptions, sa course n’est jamais en ligne droite; même en courant, sa tête suit toujours les mouvements de l’écarteur ; ajoutons qu’il s’arrête court lorsqu’il arrive au but ; il fait plus : il se retourne brusquement et il se précipite de nouveau sur l’homme qui, ne se trouvant plus qu’à un pas des cornes, serait presque toujours pris sans le secours de la corde. Avec de pareils animaux, on s’explique donc l’utilité de cette dernière; elle est destinée à préserver l’écarteur de ce qu’on appelle « le second coup de tête ».
En présence donc de taureaux qui ne partaient pas franchement, les Espagnols, déconcertés, ont dû renoncer au simulacre de tuer le taureau ; ils n’approchaient même qu’en hésitant, pour lancer leurs capas et s’enfuir aussitôt ; s’ils plantaient des cocardes et des banderilles, ce n’était non plus qu’en courant et en coupant perpendiculairement la ligue suivie par le taureau ; en termes de courses, c’est ce qu’on appelle « écarter au coupé » ; ce genre d’écart, sans danger, est peu gracieux ; sur les arènes landaises, il n’est toléré que pour les novices. Les bêtes, de leur côté, voyant ces gens-là se tenir à distance, demeuraient longtemps sans bouger de place ; souvent même elles refusaient absolument de sortir du toril.
Le public, impatienté d’assister a un spectacle si peu récréatif, s’est mis à murmurer. Quelques cris : « Les Landais ! A la porte les Espagnols ! » se sont fait entendre. Pour le calmer, le banderillero Luis Aspiri a franchi deux fois une vache espagnole. Pour faire ce que l’écarteur Camiade avait exécuté dimanche sans nul secours, Aspiri s’est aidé d’une perche ; aussi, le public ne lui a-t-il pas tenu compte de sa tentative : les murmures ont redoublé ; les cris, les sifflets, les trépignements, disons plus : les hurlements étaient arrivés à leur paroxysme, et le directeur était sommé de faire apparaître les Landais, C’est alors que, pour complaire au public, et malgré le danger qu’il y a à écarter sans capa un taureau libre, l’écarteur Tegnest s’est dévoué. Son costume étant moins éclatant que ceux des Espagnols, pour attirer les regards du taureau, il a eu l’imprudence de se placer à quinze mètres environ de l’animal : le premier écart a été réussi, mais le second coup de tête l’a renversé.
En Espagne, comme dans le Gers et les Landes, il est d’usage que, lorsqu’un homme est pris,tous ceux qui se trouvent dans l’arène doivent courir sur le taureau pour le détourner ; ici, avant d’aller au secours de Tegnest, les Espagnols ont hésité, et ont ainsi laissé le temps au taureau de lui labourer le corps avec ses cornes. Ils avaient l’air presque satisfaits de l’accident.
La course s’est terminée aussi tristement qu’elle avait commencé; le public est parti fort mécontent ; mécontent aussi était le directeur des courses, d’avoir eu un homme blessé et un taureau écorné.
Dimanche prochain, courses landaises; espérons qu’elles ressembleront aux avant-dernières, et non à celles que nous venons de décrire. »






