La mort de Jean Chicoy

Le monument élevé à la mémoire de Jean Chicoy, près des arènes de Coudures

C’est le 27 juillet 1889 que décède le grand « Jean Chicoy », la vedette de la course historique de Magescq dont vous trouverez le récit dans le prochain numéro de la Cazérienne et dont je vous ai narré un des exploits les plus fabuleux (https://patrimoinecourselandaise.org/tag/jean-chicoy/).

De son vrai nom Bernard Lalanne, il prit comme nom d’artiste, ou plutôt d’arène, celui du quartier de Coudures où il était né. Après une longue, riche et trépidante carrière, il quitte ce monde à l’âge de 65 ans. Il réussit ainsi à éviter la mort tragique dans la piste que certains de ses collègues connurent à cette époque où les cornes de nos vaches n’étaient pas encore emboulées. Voici d’ailleurs ce qu’en dit le journal Le Dacquois quelques jours après son décès, et repris le 14 août 1889 suivant par le Journal des Landes :

« L’écarteur Jeanchicoy [sic].
Jeanchicoy, le célèbre écarteur landais, vient de mourir à Coudures sa résidence, près Saint-Sever.
Il s’est éteint doucement dans son lit, faisant ainsi mentir ceux qui, voyant sa témérité, sa brillante audace dans l’arène, lui avaient prédit une mort violente.
Ce fut le premier écarteur landais qui osa écarter le bétail espagnol, aux mémorables fêtes qui eurent lieu à Magescq en 1853 [sic pour 1852]. Pendant de longues années, Jeanchicoy fit les délices des aficionados de la région.
Chef incontesté de l’Ecole d’aujourd’hui, il conserva toujours sur ses collègues cette supériorité que lui donnait son courage, son assurance, devant les bêtes les plus redoutables.
Il assistait, il n’y a pas longtemps aux fêtes de St-Sever ; et là, côte à côte avec Cizos, son dernier compagnon du temps jadis, il racontait aux jeunes les prouesses d’antan. Nous saluons en lui le vaillant athlète que nous ne cesserons de citer comme exemple aux écarteurs d’aujourd’hui ; l’adepte de l’art tauromachique dans tout son éclat. »

Bel hommage à celui qui marqua en effet de son sceau indélébile l’histoire de la course landaise du 19e siècle.

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Le mystère d’une gravure : Jean Chicoy écartant avec son enfant dans les bras

L’histoire (ou devrais-je dire la légende) de Jean Chicoy comporte un épisode souvent mis en avant et qui a fait l’objet d’une gravure, ou plutôt d’un dessin imprimé, qui pose problème. En effet, malgré mes nombreuses recherches à partir des données fournies par les différents auteurs qui ont narré cet événement, je n’ai à ce jour pas pu retrouver le périodique de l’époque dans lequel cette image fut pour la première fois publiée.
L’épisode en lui-même est entre autre narré dans L’Almanach de la Course landaise de 1911 par un anonyme qui signe sous le pseudonyme « Un vieux Coudurien », et se dit ami de celui qui fut un vrai « roi de l’arène » pendant un quart de siècle : Bernard Lalanne, dit Jean Chicoy. Né à Coudures le 1er septembre 1824, celui-ci commence à l’âge de 20 ans une carrière qui connaîtra jusqu’au début des années 1860 de nombreux moments de gloire. Le plus connu est certainement la prestation courageuse qu’il fit le 17 octobre 1852, dans les arènes de Magescq, et pour la première fois, devant des taureauxespagnols. Mais laissons la plume au « vieux Coudurien » pour nous narrer le nouvel exploit que réalisa Jean Chicoy déjà âgé dans les arènes de son village. La scène se passe, semble-t-il, vers 1865, alors que notre écarteur a atteint la quarantaine et qu’il n’assiste plus aux courses que comme spectateur, mais un spectateur exigeant qui ne supporte pas que ses anciens collègues fassent preuve de timidité sinon de couardise et de lâcheté dans l’arène. A Samadet déjà, il avait dû une fois payer de sa personne pour leur montrer l’exemple devant le fameux bœuf Lou Brillant, et voici donc que, quelques mois après, il constate « la même apathie, la même frousse » des écarteurs sur la place de Coudures :
« Jean Chicoy les prie, les encourage, les invective. Rien n’y fait. Toujours la même réponse : ʺLe bétail est trop dangereuxʺ. Jean Chicoy s’éloigne alors et revient trois minutes après, portant dans ses bras une mignonne enfant de trois ans, sa dernière fille. ʺOuvre la sixième logeʺ, dit-il au vacher. Une grande vache noire, la plus terrible du lot, sort comme une trombe. Le maître l’appelle et, son enfant sur le bras gauche, il lui fait une feinte merveilleuse, incomparable, qui arrache au père Cizos ce cri d’admiration : ʺIl n’y aura jamais qu’un Jean Chicoyʺ. »
C’est cette scène qui fut immortalisée par un dessin reproduit dans la presse de l’époque, et qui illustre d’ailleurs ce texte de L’Almanach. Mais les choses se compliquent si l’on veut en retrouver la première édition. Il est notamment étonnant que le premier grand historien de nos courses, le fameux « Clic-Clac », qui par ailleurs nous fournit un récit circonstancié de l’exploit de Jean Chicoy à Magescq, passe sous silence celui de Coudures qui avait dû marquer les mémoires.

Un engagement d’écarteur il y a 100 ans

L’écarteur Moreno

Il y a quelques jours, je vous ai présenté le contrat du sauteur Faber avec Giovanni. Voici maintenant celui de l’écarteur Moreno pour la même saison 1920-1921, il y a tout juste cent ans :

« Entre les soussignés Monsieur Giovani [sic] Dionori, chef de cuadrilla de toreros landais demeurant à Dax, et Monsieur Edmond Souleyreau, « dit Moreno », torero landais, demeurant dans la même localité, il a été arrêté et convenu ce qui suit :
– M. Edmond Souleyreau s’engage à dater de ce jour quatre novembre mil neuf cent vingt jusqu’à la même époque en mil neuf cent vingt et un à ne travailler que dans les courses où M. Giovani l’aura engagé, sauf autorisation spéciale pour aller ailleurs ; M. Moreno s’engage également à exécuter, sauf blessure dûment [sic] constatée, un minimum de dix-huit écarts ou feintes par journées de courses.
– M. Giovani Dionori, de son côté, s’engage à lui donner, pour pouvoir faire usage de son nom, la somme de deux mille francs de gratification payable dans le courant de l’hiver mil neuf cent vingt et mil neuf cent vingt et un ; un accompte [sic] de six cents francs sur les deux mille est payable en signant le présent engagement ; M. Giovani Dionori consent en outre à faire un partage égal de la somme nette qui reviendra aux principaux toreros de la cuadrilla dont les noms suivent : Giovani, Guichemerre, Montois, Mazzantini et Moreno.
Fait en double et de bonne foi le quatre novembre mil neuf cent vingt.
Lu et approuvé : Dionori Giovanni
Lu et approuvé : Edmond Souleyreau

N. B. : Il reste entendu que tous les engagements avec les toreros cités ci-contre seront les mêmes que le présent à tous les points de vues.
Lu et approuvé : Dionori Giovanni
Lu et approuvé : Edmond Souleyreau »

Léonard Cantegrit, dit « Le Manchot »

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Il y a exactement 160 ans, le 29 août 1860, naissait à Amou Léonard Cantegrit. Il y décéda le 31 mars 1906. Voici quelques éléments de sa carrière.

« Dans sa jeunesse, à la suite de l’explosion d’une lampe, il perdit en grande partie l’usage de son bras gauche »
« A ses débuts en 1878, Le Manchot est une révélation. Chez lui, souplesse, ardeur, courage et vista sont innés. Dès ses premières courses, il fait preuve d’une maîtrise inégalable qui le propulse au premier rang, éclipsant même les ténors de l’époque. En 1883, année de son apogée, Le Manchot remporte 20 premiers prix et 2 seconds prix pour les 22 courses auxquelles il participe. Cette année-là, pour les fêtes d’Hagetmau, (…) Le Manchot va réaliser le lundi un exploit peu banal : sous une pluie diluvienne, pressé par les boulangers d’Amou, son village, il assure à lui tout seul la sortie de toutes les vaches. A la fin de la course, le grand maître Jean Chicoy, présent dans les gradins, lui donna l’accolade sous les vivats du public. Toujours la même année, à Plaisance-du-Gers, il renouvelle cet exploit, se permettant le luxe d’affronter dix fois « à monter-descendre » la terrible Caracola (…). Mais en 1884, chez lui, à Amou, Le Manchot est grièvement blessé par l’autre « monument » de l’époque, la non moins terrible Volontaria du ganadero Dubecq d’Estibeaux. (…) Une fois rétabli, il renonce au boléro, en 1885. »
Eléments biographiques tirés du Dictionnaire encyclopédique des écarteurs landais de Gérard Laborde (Editions Gascogne, 2008), p. 81 et 358-359 (avec l’aimable et amicale autorisation de son regretté auteur) ; photographie reproduite dans l’ouvrage du Centenaire de la Mutuelle des toreros landais.

Eugène SABON (Jean JAYMES, dit)

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Il y a près de 40 ans, décédait à Saint-Pierre-du-Mont, le 3 août 1982, l’écarteur « Eugène Sabon ». Il s’appelait en fait de son vrai nom Jean Jaymes et était né à Saint-Gor le 13 juillet 1894. Voici quelques éléments de sa biographie.

« Après ses débuts, le 15 août 1913, à Roquefort, devant les coursières de Duluc, le ganadero de seconde de Mant, Sabon s’illustre à Arboucave où il remporte le 1er prix de 50 fr. En 1914, on le retrouve dans les cuadrillas du Syndicat des toreros. Peu de courses formelles, mais 3 premiers prix (…). Après la grande guerre, de 1919 à 1921, Sabon « l’intrépide » est équipier chez le ganadero Lafitte et attire l’attention des aficionados avec ses 120 écarts pour une victoire sur deux jours à Nogaro, ses 73 à Condom puis ses 95 en un jour à Saint-Justin en 1920 ! Cette année-là, il décroche le premier prix de 600 fr. lors de l’inauguration des nouvelles arènes de Bordeaux, les 6 et 7 novembre. A noter en [19]21, ses 81 écarts le premier jour et 65 le deuxième aux fêtes d’Orthez et les 86 le dimanche et 64 le lundi à celles de Tartas. Ces dernières performances lui valent d’être engagé par Coran pour l’année suivante. Mais en [19]23, il le quitte pour rejoindre la cuadrilla de Joseph Barrère, le maître ganadero de l’époque (…). Même s’il n’est qu’un écarteur moyen et pas très élégant, Sabon se révèle plaisant et sympathique, faisant preuve souvent de pas mal de cran et de courage, travaillant durement pour remporter quelques premiers prix (…). Après un séjour d’une année chez Grit et Curon qui montent en formelle en [19]26,  il reviendra définitivement chez le ganadero de Buros où il terminera sa carrière en 1935.
Son meilleur souvenir : le premier prix à Eauze en 1914 devant le Suisse, doté de 220 fr-or, d’une palme et d’un louis de 20 fr., suivi du retour triomphal sur les épaules de ses admirateurs jusqu’à l’hôtel. »

Eléments biographiques tirés du Dictionnaire encyclopédique des écarteurs landais de Gérard Laborde (Editions Gascogne, 2008), p. 495 (avec l’aimable et amicale autorisation de son regretté auteur)