La Pologne… à Roquefort !

Comme Aire-sur-l’Adour et Saint-Jean-d’Août à Mont-de-Marsan, la commune de Roquefort possédait un quartier appelé « La Pologne ». Et ce quartier, comme ses homonymes d’ailleurs, a marqué pendant longtemps ses fêtes locales par une course landaise. J’ai eu la chance de pouvoir acquérir ce document exceptionnel, localisé et daté, ce qui m’a permis de retrouver dans la presse d’autres éléments sur cette course.
Voici comment le Républicain landais présente l’événement dans ses colonnes, le 29 août 1902 :

« Roquefort. Fête de quartier. Le coquet quartier de la Pologne, à Roquefort, célèbrera sa fête les 20, 21 et 22 septembre avec tout l’éclat accoutumé.
Les jeunes gens, toujours désireux de conserver à notre localité sa vieille gaité, ont déjà spécialement engagé les meilleurs écarteurs, avec l’excellent bétail de M. Passicos, de Dax, et se sont assuré le concours de l’orchestre de Roquefort, que dirigera M. Corbière, dont la renommée n’est plus à faire.
Le bal, organisé en cette circonstance sera des plus animés et permettra de donner entière satisfaction à la jeunesse. Ajoutons que de nombreux établissements forains ont déjà retenu leur place. »

Et le même journal publie le 28 septembre suivant le compte-rendu de ces festivités :

« Roquefort. Fête de quartier. Le quartier de la Pologne, à Roquefort, célébrait samedi, dimanche et lundi dernier, sa fête annuelle. Le passe-rues de samedi avec ses marabouts à cheval et les divers chars plus ou moins allégoriques, mais tous fort bien décorés, a été en tous points réussi. Aussi, sur la demande du public, l’a-t-on renouvelé dimanche soir. Inutile d’ajouter que la fanfare roquefortaise prêtait son concours.
Que dire des courses landaises des deux jours ? De l’avis de tous les aficionados, elles ont été médiocres.
Le clou de la fête a été les illuminations publiques et particulières et le taureau de fuego, spectacle qu’on n’avait pas encore vu à Roquefort. C’est un amusement dangereux qu’il ne sera pas bon de renouveler. Trouvez autre chose, messieurs les Polonais ! »

Comme quoi, certaines traditions ont eu du mal à s’implanter chez nous avant de devenir incontournables ! Mais cette photographie qui donne à voir les arènes en bois sommairement édifiées est un document historique rare et précieux.

Un anniversaire oublié : l’inauguration des arènes de Lavardac (Lot-et-Garonne) (15 juillet 1934)

Bien sûr, ce n’est pas un centenaire, mais 90 ans c’est quand même un chiffre rond ! De plus, le Lot-et-Garonne n’a connu que peu d’arènes, et il est donc normal qu’on en parle un tant soit peu, ce que j’avais déjà fait en quelques occasions et que je réitère aujourd’hui… C’est donc le dimanche 15 juillet 1934 que furent inaugurées ces toutes nouvelles arènes avec le troupeau Cantegrit et la cuadrilla du grand Mazzantini. Voici ce qu’en dit la « Tuile » :
« Une nouvelle plaza vient de naître. Lavardac, patrie du grand aficionado Carrère, a inauguré sa nouvelle plaza. Situées dans un joli cadre, complètement agrandies, possédant une très bonne piste, les arènes de Lavardac sont dignes de figurer parmi les plus jolies plazas des Landes ou du Gers. Nous sommes heureux de féliciter ici les vaillants organisateurs du succès qu’ils ont obtenu, digne récompense de leurs efforts. La course d’aujourd’hui fut bonne et particulièrement la fin, qui mit aux prises Mazzantini, Le Suisse et Barthélemy, qui firent un joli travail à la nouvelle Passiega, laissant ainsi parmi le public une excellente impression. »
Au paseo, on trouvait, outre ces trois vedettes, Alban, Montfort, René II, Lavigne II, Lalande et Duffau. La cuadrilla réalisa 164 écarts et 19 sauts devant un bétail « assez médiocre dans son ensemble ». Il était constitué de Paquita, Lavardacaise (nouvelle), Guerrera, Ramona, Bonnite, Panthère, Secretaria, Passiega (nouvelle), Benzedora et Manolina.
Nous ne connaissons aucune image de ces arènes, qui contenaient 3 000 places et se dressaient « sous les ombrages des ormeaux de la magnifique place du Foirail », et si quelque Lot-et-garonnais ou autre coursayre en connaissait ou en possédait, qu’il n’hésite pas à nous faire passer l’info. D’avance, merci !

Le palmarès de la saison… il y a 110 ans !

A défaut de pouvoir fournir le palmarès de cette triste année 2020, je peux au moins vous donner celui de 1910 ! C’est en effet la 1e année pour laquelle une analyse complète des résultats a été réalisée dans les colonnes de l’Almanach de la Course landaise, grâce notamment au travail de l’un des piliers de la « Tuile », J. Ergey.
A l’époque, le classement s’établissait non sur du pointage des figures mais uniquement sur les sommes gagnées par les acteurs dans les différentes courses auxquelles ils participaient. Cela nous donne le classement suivant :

RangNomsGains (en francs)Nb de 1ers prixNb de courses
1Lacoste4 3732532
2Fillang3 2951529
3Koran2 940833
4Mazzantini2 7001531
5Despouys2 544331
6Giovanni2 511329

Et voici le portrait de ces 6 vedettes:

Cette année-là, sur 141 acteurs référencés, 65 (dont 2 amateurs non nommés) ont gagné 50 francs et plus, mais 76 n’ont pas atteint cette somme.

L’auteur de ces statistiques note avec étonnement :
« Ce qui a vous dû frapper à la lecture de ce tableau, c’est le grand nombre d’écarteurs. Plus de cent quarante noms de professionnels ou d’amateurs nous ont été fournis par nos correspondants et la liste est loin d’être complète. Il est vrai que nous pouvons dire du torero ce que La Fontaine a dit du véritable ami :
Rien n’est plus commun que le nom
Rien n’est plus rare que la chose… »

Lacoste, le vainqueur, a notamment gagné 940 francs dans le seul mois de juillet, dans les arènes de Montfort, Grenade, Mont-de-Marsan, Habas, Dax, Orthez et Hagetmau. De son côté Fillang s’est illustré le même mois à Garlin, Soustons, Castets, Tartas et Villeneuve. Quant à Mazzantini, il a réalisé ses meilleurs gains ce mois-là au Houga, à Eauze, Viella, Aignan et Gabarret. Aucun, cependant, n’a obtenu de prix égal ou supérieur à 300 francs, alors qu’il y en avait eu 5 en 1908.
Il faut savoir qu’à cette époque, les courses landaises se déroulent généralement sur deux journées, le dimanche et le lundi, sauf dans les grandes villes (Bordeaux, Mont-de-Marsan et Dax pour certaines occasions).
Le total des gains des 6 premiers est le plus élevé depuis 1903, de même que le nombre d’écarteurs ayant gagné plus de 1 000 francs (28).

En cette saison 1910, 111 courses ont été courues par les principaux ganaderos : 28 par Dubecq, 30 par Barrère, 23 par Portalier, 30 par Passicos ; s’y ajoutent 13 proposées par Darracq et 10 par d’autres éleveurs de seconde zone, pour un total général de 134 courses.
Les sommes distribuées aux courses faites par ces ganaderias atteignent des montants assez considérables : 21 675 francs pour Barrère, 19 348 pour Passicos, 16 670 pour Dubecq, 14 659 pour Portalier, 5 235 pour Darracq et 1 300 pour le reste.

Le chroniqueur se félicite de ces chiffres :
« Amis lecteurs, il résulte, semble-t-il, de la lecture de ces tableaux que l’aficion est loin de mourir et je crois pouvoir affirmer, sans crainte d’être démenti, que depuis longtemps on n’était pas arrivé à des résultats aussi satisfaisants que ceux des deux ou trois dernières temporadas. Si la pluie n’avait parfois troublé bien des fêtes, la temporada 1910 aurait été des meilleures qu’aficionado vit. Que pouvons-nous désirer pour la prochaine ? Plus de soleil et moins de caprices.
St-Luc, notre patron, entendez-nous ! »

69 communes ont accueilli des courses en 1910, de Bordeaux à Saint-Jean-de-Luz, d’Arcachon à Condom, et en voici la carte :

Arènes : Saint-Vincent-de-Tyrosse (40)

Les premières arènes en bois.

J’avais naguère publié un article sur l’inauguration des arènes de Saint-Vincent-de-Tyrosse que je datais du 24 juillet 1886 d’après le livre de Prosper Séris. En fait, celui-ci s’était un peu emmêlé les souvenirs, puisque d’une part un ami de notre blog, Philippe Gelez, président du Cercle taurin et qui préparait un ouvrage sur la tauromachie dans la cité tyrossaise, m’avait envoyé la preuve que cet évènement s’était déroulé une année auparavant, en mai-juin 1885, et que d’autre part j’ai pu le confirmer par mes recherches aux Archives départementales des Landes.
C’est en effet par une délibération du 20 février 1885 que la municipalité se lance dans l’aventure taurine. Elle avait déjà, depuis le 14 novembre 1881, transféré la fête locale du 18 janvier au 2e dimanche de mai « afin de pouvoir multiplier les distractions et attirer le plus d’étrangers possible dans la localité », et « considérant que la position topographique de Saint-Vincent permettrait de tenter l’essai d’une course aux taureaux avec toutes chances de succès », elle décide de voter un budget en ce sens. Dès le 15 mars 1885, on établit un devis estimatif pour la construction « d’amphithéâtres », comme on disait alors, sur une place destinée aux courses landaises.
Les fêtes inaugurales se déroulèrent les 31 mai, 1er et 2 juin 1885, dans le cadre des nouvelles fêtes patronales, et l’on y vit les troupeaux de MM. Lagardère, de Dax, et Bacarisse, de Saint-Sever. Le journal La Petite Gironde du 24 mai 1885 pouvait alors écrire: « C’est la première fois que la ville de Saint-Vincent-de-Tyrosse célèbrera sa fête locale, et naturellement elle ne négligera rien pour lui donner le plus d’éclat possible ».
Grâce à Philippe Gelez, voici deux photographies prises dans les anciennes arènes de Saint-Vincent-de-Tyrosse. On remarquera que, contrairement à ce que l’on voit aujourd’hui, il n’y avait vraiment pas grand monde dans la contre-piste !…

C’est dans ces arènes que se déroula vers 1899 la course dont je vous ai déjà parlé : https://patrimoinecourselandaise.org/2019/05/19/une-course-a-saint-vincent-de-tyrosse-en-1899/

Les arènes en dur

Les amphithéâtres en bois de pin, démontables, vont subir les avaries du temps et occasionner au fil des années des frais de maintenance importants qui deviennent de plus en plus lourd pour les finances locales jusqu’en 1914. C’est en 1924 que la municipalité décide de passer d’arènes démontables en bois à des arènes en dur, et de les élever dans le « Bois du Curé », à l’entrée de la ville. Elle s’adresse à l’architecte dacquois Albert Pomade, qui fut également le concepteur des arènes de Saint-Sever, de Pomarez, de Magescq et bien sûr celles de Dax. C’est l’entrepreneur Robino qui se chargea de la construction en parpaings. La réception définitive eut lieu le 13 décembre 1927.

Voilà l’aspect qu’elles avaient alors:

En 1934, on aménagea des loges pour les taureaux et des corrales, et d’autres travaux furent entrepris en 1936, 1938 et 1960. En 1961, ultime agrandissement fut réalisé, ainsi que la modification du porche d’entrée par l’architecte Hébrard et l’entrepreneur Amallet. La piste ovale mesure 44m sur 33m, et elles ont une capacité d’environ 5000 places.
Plus récemment, entre 2016 et 2018, un marché a été lancé pour une série de travaux de réhabilitations et de mise aux normes.

Elles ont reçu le nom de « Marcel Dangou », grand tauromache tyrossais qui dirigea notamment les arènes de Bayonne (qui portent également son nom) et celles (disparues) de Toulouse.

Bibliographie : « Tiròssa : las arenas que’s hestejan los navanta ans » (gascon), La Cazérienne, n°163, avril 2017, p. 9 (traduction dans le n° 164, juin 2017)

Août 1894 : les courses à Maubourguet (65)

Parmi les trésors communiqués par un de mes correspondants de Maubourguet, se trouve cette superbe affiche historique. Elle donne le programme des fêtes des 18, 19 et 20 août 1894, marquées notamment par l’inauguration des nouvelles arènes. La grande course landaise du dimanche était assurée par le bétail de Barrère, qui était opposé à trois cuadrillas « composées de l’élite des écarteurs landais », sans plus de précision. Pour le lundi, on signalait simplement la reprise des courses « de taureaux » « avec un bétail entièrement renouvelé »… Deux autres animations à noter : la distribution de pain aux indigents du dimanche matin, et l’ascension de la montgolfière « La Walkyrie » en clôture du lundi soir. Quant à la petite gravure décorant l’angle supérieur de cette affiche, elle représente non pas un écart, mais le fameux « saut de la garrocha » réalisé par un acteur en habit de matador.

C’est, à ma connaissance, le plus ancien document concernant cette ville taurine des Hautes-Pyrénées.maubourguet_1891