Loges et tribunes : Dumes

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Je cherchais désespérément depuis longtemps des photos des anciennes arènes de Dumes, où j’avais assisté à mes premières courses landaises. Le confinement a cela de bon qu’il nous permet de ranger, trier, classer… et c’est ce que j’ai fait avec les photos de mon enfance récupérées chez mes parents.
Et voilà ce que j’y ai découvert : une image où l’on voit, au second plan, ces loges et tribunes traditionnelles des petits villages chalossais. Pour les courses, on dressait des barrières avec des poutres et des madriers pour délimiter une (courte) piste sur laquelle se produisait la plupart du temps des acteurs de second (ou parfois troisième) zone… Mon oncle le docteur Jean-Claude Mouchès nous en en a laissé quelques récits dans son ouvrage « Le prix du courage » paru en 2000 aux éditions Atlantica. C’est d’ailleurs son père, et donc mon grand-père, Henri Mouchès, alors maire de Dumes que l’on voit parler à un paysan qui mène une belle paire de bœufs de Chalosse. Et qui est donc le petit garçon en barboteuse qui l’accompagne ? Je vous laisse le deviner…
Ces tribunes-loges n’ont pas totalement disparu aujourd’hui, mais elles ont changé de fonction : elles ont été transformées en maison d’habitation.
Si vous avez des images de ce type montrant des arènes ayant disparu, n’hésitez-pas à me les faire passer !

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Les arènes en Algérie

L’histoire de la course landaise dans les anciennes colonies ou protectorats est peu connue, mais elle a laissé cependant quelques traces documentaires. A l’âge d’or de notre sport, avant 1914, nos Landais s’y sont produits plusieurs fois à l’occasion des grandes tournées souvent commencées en Provence et parfois terminées en Tunisie. C’est le cas de la cuadrilla de Marin 1er en 1890 puis en 1893, et de la fameuse équipe constituée autour de Félix Robert dans les mêmes années. C’est l’occasion de vous faire connaître les arènes dans lesquelles ils ont été chaleureusement accueillis et où ils ont connu de beaux succès.

Alger
La capitale n’a jamais connu d’arènes en dur. Il semble qu’il y ait eu des parodies de corridas dès 1863 dans des structures éphémères à Bab-el-Oued. C’est d’ailleurs sur l’esplanade du même nom que, le 20 novembre 1909, a lieu l’inauguration de « nouvelles arènes ». Elles occupaient l’emplacement du marché moderne, au fond d’une sorte de « trou » au fond duquel les bêtes étaient lâchées.

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Illustration extraite de L’Afrique du Nord illustrée, 1er décembre 1909

Les 14 et 19 juillet 1931 encore, deux grandes corridas (avec simulacre de mise à mort) furent organisées à Alger, dans une arène provisoire construite sur le stade du Gallia-Sport, au flanc d’un coteau, non loin de l’hippodrome du Caroubier. Elle pouvait accueillir 7000 personnes. Le promoteur en était M. Barrère, et le spectacle était complété par une charlotade avec la troupe « Valencia-Charlot ».

Mais c’est surtout la province d’Oran qui connaît une véritable fièvre taurine. Il est vrai qu’en 1911, la population d’origine espagnole y représentait le double de celle des colonisateurs français… Deux grandes arènes y sont construites : l’une dans la ville-centre, Oran, et l’autre à 80 km au sud, à Sidi-Bel-Abbès.

Oran
La course espagnole semble introduite à Oran en 1881. Plusieurs arènes successives y sont aménagées : d’abord boulevard de l’Industrie, puis à Gambetta, et enfin à Eckmülh (aujourd’hui Haï Maieddine).
C’est le 27 mai 1890 qu’est inaugurée la première arène d’Oran, alors construite en bois. A la suite d’un incendie, une nouvelle plaza est construite dont l’inauguration a lieu le 14 juillet 1910. La dernière corrida y est donnée quelques jours avant le début de la guerre civile espagnole, le 15 juillet 1936.
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Voici deux cartes (rares) de ma collection sur des charlotades dans ces arènes d’Oran.

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Après un réaménagement, elles sont à nouveau inaugurées le 13 mars 1954. Elles sont unique dans toute l’Afrique par leur architecture, conçue par E.-R. Garlandier, ingénieur-architecte d’Oran, et réalisée par l’entrepreneur A. Andreoli. Sur une surface de 4800m², elles ont 210m de diamètre, et peuvent accueillir 10 000 spectateurs.
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Désaffectées et abandonnées après la décolonisation, elles font aujourd’hui l’objet de projets de réhabilitation et de transformation en lieu d’animation et de spectacles. Une première phase de travaux, achevée au début de 2019, a touché deux voûtes présentant dans le passé un danger pour les visiteurs. L’une se trouve à l’entrée principale des arènes et la seconde au niveau du sous-sol du bâti. La fin des travaux a permis l’ouverture de ces arènes au public. La deuxième phase de leur ré-aménagement est aujourd’hui à l’étude. Elle concernera  le confortement et le renforcement des structures du site, ses supports et l’éclairage.

photo  : rachid imekhlef

Sur ces arènes, voir l’étude de Rachida-Hammouche Bey Omar, « La plaza de toros de Orán en el periòdico Oran Républicain« , dans Archivo de la Frontera, 14/12/2016 (http://www.archivodelafrontera.com/wp-content/uploads/2016/12/Plaza-de-toros-de-Or%C3%A1n-2016.pdf )
Voir deux reportages vidéos de 2019, l’un avec commentaires (https://www.youtube.com/watch?v=_hpUB_aupc8 ) et l’autre en musique (https://www.youtube.com/watch?v=7RdR5u_eT2Y ) qui montre l’intérêt architectural de ces arènes.

Sidi-Bel-Abbès (« arènes du Mamelon »)
Les anciennes arènes étaient situées au village Perrin. Le 17 janvier 1892, la Société des Arènes de Sidi-Bel-Abbes prend la décision de construire de nouvelles arènes au bout de l’avenue Edgar-Quinet (Trig-el-Kharoub actuelle) et pouvant accueillir 6000 spectateurs. Les travaux commencent en 1893 et l’inauguration a lieu le 24 juin 1894, avec le fameux matador El Gallo. A la suite de l’interdiction des mises à mort, comme sur tout le territoire métropolitain, des courses landaises y sont prévues. Mais la désaffection du public habitué aux courses espagnoles provoque, le 20 mai 1900, la dissolution de la Société des Arènes Bel-Abbésiennes. La vente aux enchères publiques des arènes est organisée le 23 mai 1901. Une route est par la suite tracée sur leur emplacement, où sera également construit un groupe scolaire.
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L’histoire de cette plaza est retracée dans la vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=leTTPght5aU, qui m’a fourni toutes les données chronologiques.

Bibliographie :
Pierre Dupuy, La tauromachie dans le Maghreb français, [Balaruc-les-Bains], Union des Bibliophiles taurins de France, 2012

Un anniversaire en 2020 : les arènes de Mimizan

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On va fêter cette année le 50e anniversaire des arènes actuelles de Mimizan. Cette carte postale, éditée par les Etablissements Chatagneau à Bordeaux, porte comme légende : « 3065. Mimizan-Plage (40). Les nouvelles arènes servant d’amphithéâtre pour les spectacles en plein air ». Et en effet, ce tout nouveau lieu d’animation fut loin d’être uniquement consacré aux spectacles taurins. Voici ce que l’on trouve sur le site de la Mairie de Mimizan sur l’histoire de ces arènes locales (https://www.ville-mimizan.fr/arenes) :
« Suite au succès des premières courses landaises organisées à la plage dans les années 1950, le Comité des fêtes et du tourisme prend l’initiative de faire construire des arènes en bois et y organise d’autres spectacles : des animations taurines comme les toros-balls, des rencontres de catch avec l’Ange Blanc, et des concerts des grandes vedettes de l’époque, Johnny Hallyday en 1965 ou Isabelle Aubray.
A la fin des années 1960, les structures en bois vieillissent mal et le Conseil municipal décide alors de réaliser de nouvelles arènes au bord du courant, destinées à accueillir tout aussi bien des spectacles taurins que des concerts. Elles seront construites en béton sur le modèle des amphithéâtres antiques. L’édifice de 3 000 places comprend une scène et il était aussi prévu qu’il soit entièrement recouvert par une structure en lamellé-collé et une toiture de schingles. Les arènes sont inaugurées le 28 juin 1970 avec un concert d’Eddy Mitchell et une course formelle du challenge Landes-Béarn.
Aujourd’hui les arènes continuent d’accueillir des manifestations festives variées, principalement durant la saison estivale : courses landaises mixtes, concerts, cinéma de plein-air et spectacles. »

Je rajouterai simplement qu’elles furent conçues par l’architecte dacquois Jean Prunetti, et qu’elles sont construites en béton.

Couralet (Camille)

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On va bientôt fêter le 130e anniversaire de la naissance de Camille Couralet. Il est effectivement né le 30 décembre 1889 à Villeneuve-de-Marsan, qui va donner son nom aux arènes locales lors de leur centenaire en 2011. Voici un résumé de sa carrière.

« A Saint-Gor, le 31 mai 1908, Camille Couralet débute face aux coursières du troupeau Dubecq par son premier premier prix, sous la houlette du grand Henri Meunier. Dès cette première année, il va être l’une des têtes de cuadrilla (…) et le restera sans interruption jusqu’en 1913. Ses progrès rapides l’amènent parmi les 15 meilleurs dès l’année 1909. (…) En 1912, alors que Dubecq a renoncé, Couralet reste fidèle au troupeau racheté par le nouveau ganadero Alexis Robert. (…) 1913 va être son année de gloire : après une saison magnifique comptant 11 premiers prix dont celui de 260 fr. à Meilhan, village de résidence de la ganaderia de son patron et surtout celui de l’un des tout premiers concours landais jamais organisés dans l’histoire de la course landaise, le 8 juillet 1913, à Eauze, opposant 8 écarteurs sélectionnés, Couralet se hisse à la 2e place du classement avec 2955 fr. de gains. En 1914, il s’engagera dans les cuadrillas du Syndicat des toreros (…). Au retour de la grande guerre, ses qualités l’amènent à occuper la place de chef chez Lafitte en 1920, chez Ladouès en 1921 et 1923, chez Danthez en 1925, après un passage d’un an comme simple équipier dans la prestigieuse cuadrilla de chez Joseph Barrère, le maître ganadero de Buros en 1924. En 1926, on le retrouve à la tête de la cuadrilla attachée au troupeau Grit, successeur de Danthez (…). A partir de 1927, il va aider René Larrouture, qui a racheté ce troupeau, pour ses débuts en formelle. En 1931, il retrouve le ganadero Lafitte à qui René a vendu ses coursières et en 1933, alors qu’il est âgé de 44 ans, il met un terme à sa carrière. Sa moustache de poilu, sa verve et son intrépidité légendaire ont fait de Camille Couralet l’une des figures emblématiques de l’entre-deux-guerres. En 1945, à 56 ans, n’ayant pu résister à la tentation d’effectuer un écart, il est mortellement blessé dans ses arènes de Villeneuve-de-Marsan ».

Eléments biographiques tirés du Dictionnaire encyclopédique des écarteurs landais de Gérard Laborde (Editions Gascogne, 2008), p. 108-109 (avec l’aimable et amicale autorisation de l’auteur)

Pour compléter la biographie de Couralet, voici 3 dessins de Gaston Rémy tirés de sa brochure sur Les courses landaises. Camille était, comme on le voit, en fin de carrière…

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1889 : la Gran Plaza de Toros du Bois de Boulogne, à Paris

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Il n’y a pas que les arènes du Plumaçon et la Tour Eiffel qu’on inaugura en 1889, il y a 130 ans… C’est en effet le 10 août de cette année-là qu’on coupa également le ruban de l’arène du Bois de Boulogne, que j’avais simplement citée dans un ancien article (https://patrimoinecourselandaise.org/2017/03/03/les-courses-de-taureaux-et-les-courses-landaises-1889/ ).

Aussi appelée « Plaza de la rue Pergolèse », elle connut essentiellement des corridas, mais le quadrille de Marin s’y produisit en 1892. Grâce à notre jeune amie coursayre (et historienne de l’Art) parisienne Adeline, qui s’est plongée dans tous les fichiers et répertoires de la capitale, en voici une photographie extérieure (Plaza de toros, 60 rue Pergolèse, Paris, Paris, BnF, département des Estampes et de la Photographie, Va­315 (2) Fol.). C’était un véritable monument de 300 m. de circonférence (polygone régulier de 30 côtés de 10 m., muni de 30 portes et d’une toiture mobile. Le diamètre de la piste était de 56 m. L’édifice comportait 11 rangées de gradins, 116 loges, 22 000 places, 40 stalles d’écurie et 6 corrales de 10 m². Son inauguration eut lieu, comme nous l’avons dit, le 10 août 1889, avec les plus fines lames d’Espagne, et elle n’eut, comme beaucoup de ces bâtiments construits pour les Expositions universelles ou internationales, qu’une vie éphémère. Sa fermeture intervint en effet le 6 novembre 1892. Voici d’ailleurs, toujours grâce à Adeline, ce que disait la presse de l’époque au sujet de cet événement.
« La Plaza de Toros. On vient de vendre, moyennant 15 000 francs environ, tout le matériel du fameux Cirque de la rue Pergolèse, où ont eu lieu, depuis 1889, des courses de taureaux, d’abord très suivies, puis finalement abandonnées par le public. Et maintenant ces arènes, les plus belles du monde au dire des Espagnols eux-mêmes, sont menacées d’une disparition totale et prochaine. A ce propos, voici, en quelques lignes, leur courte et lamentable histoire.
Vers la fin de 1888, une société d’éleveurs de taureaux espagnols, ainsi constituée : M. le duc de Veragua, M. le comte de Aresana, M. le comte del Vilar et M. le comte de Patilla, obtint du gouvernement français l’autorisation de donner pendant l’Exposition, des courses de taureaux sans effusion de sang. On voulut faire grand, puisqu’on était Espagnol. Les terrains pour lesquels on contracta des achats, des baux et des promesses de vente furent estimés à 4 400 000 francs. On y éleva la superbe construction que l’on connaît (MM. Courboul et Delaborde, architectes) et qui ne coûta pas moins de 5 millions de francs. Les travaux furent exécutés en quatre mois, sauf la coupole, qui ne fut construite qu’en 1890.
L’ouverture eut lieu le 10 août 1889. Depuis cette date jusqu’au 10 novembre de la même année, on encaissa 1 200 000 francs. La plus belle recette, celle du 12 septembre, s’éleva à 75 000 francs. En 1890 et 1891, les bénéfices furent moindres : la société espagnole laissa place à une société anonyme qui fut mise en faillite avec un déficit de 860 000 francs. Si les recettes étaient belles, les frais étaient énormes, chaque taureau coûtait 1 500 à 5 000 fr., et il était revendu après la course 250 francs à un boucher. Toutes ces bêtes provenaient des terres de M. le duc de Veragua qui pratique l’élevage du taureau de combat sur une grande échelle, s’il est permis de s’exprimer ainsi, et qui n’a pas moins de 3 500 têtes de ce bétail particulier. Les toreros se font payer bon prix. Angel Pastor et sa cuadrilla, composée de cinq hommes, coûte 3 500 francs par course. (…) Les autres prima spada étaient ainsi rétribuées : Cara-Ancha, 4 500 francs (par course, bien entendu) ; Mazzantini, 5 000 ; Lagartijo, 6 000 ; Guerrita, 6 000 : Espartero, 6000. Le cavalier en place recevait, pour lui seul, 1 000 francs par séance. Tout compté, les frais, pour chaque représentation, s’élevaient à 25 000 ou 30 000 francs.
Les habitants du quartier rappellent avec de gros soupirs ces jours de splendeurs. Malgré tout, ils ne veulent pas croire que l’on puisse se résoudre à démolir cet édifice, alors surtout qu’on tirerait à peine deux cent mille francs de ce qui a coûté cinq millions. »
Gazette anecdotique, littéraire, artistique et bibliographique, n° 8, 30 avril 1893, p. 240-­242