Les arènes en Algérie

L’histoire de la course landaise dans les anciennes colonies ou protectorats est peu connue, mais elle a laissé cependant quelques traces documentaires. A l’âge d’or de notre sport, avant 1914, nos Landais s’y sont produits plusieurs fois à l’occasion des grandes tournées souvent commencées en Provence et parfois terminées en Tunisie. C’est le cas de la cuadrilla de Marin 1er en 1890 puis en 1893, et de la fameuse équipe constituée autour de Félix Robert dans les mêmes années. C’est l’occasion de vous faire connaître les arènes dans lesquelles ils ont été chaleureusement accueillis et où ils ont connu de beaux succès.

Alger
La capitale n’a jamais connu d’arènes en dur. Il semble qu’il y ait eu des parodies de corridas dès 1863 dans des structures éphémères à Bab-el-Oued. C’est d’ailleurs sur l’esplanade du même nom que, le 20 novembre 1909, a lieu l’inauguration de « nouvelles arènes ». Elles occupaient l’emplacement du marché moderne, au fond d’une sorte de « trou » au fond duquel les bêtes étaient lâchées.

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Illustration extraite de L’Afrique du Nord illustrée, 1er décembre 1909

Les 14 et 19 juillet 1931 encore, deux grandes corridas (avec simulacre de mise à mort) furent organisées à Alger, dans une arène provisoire construite sur le stade du Gallia-Sport, au flanc d’un coteau, non loin de l’hippodrome du Caroubier. Elle pouvait accueillir 7000 personnes. Le promoteur en était M. Barrère, et le spectacle était complété par une charlotade avec la troupe « Valencia-Charlot ».

Mais c’est surtout la province d’Oran qui connaît une véritable fièvre taurine. Il est vrai qu’en 1911, la population d’origine espagnole y représentait le double de celle des colonisateurs français… Deux grandes arènes y sont construites : l’une dans la ville-centre, Oran, et l’autre à 80 km au sud, à Sidi-Bel-Abbès.

Oran
La course espagnole semble introduite à Oran en 1881. Plusieurs arènes successives y sont aménagées : d’abord boulevard de l’Industrie, puis à Gambetta, et enfin à Eckmülh (aujourd’hui Haï Maieddine).
C’est le 27 mai 1890 qu’est inaugurée la première arène d’Oran, alors construite en bois. A la suite d’un incendie, une nouvelle plaza est construite dont l’inauguration a lieu le 14 juillet 1910. La dernière corrida y est donnée quelques jours avant le début de la guerre civile espagnole, le 15 juillet 1936.
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Voici deux cartes (rares) de ma collection sur des charlotades dans ces arènes d’Oran.

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Après un réaménagement, elles sont à nouveau inaugurées le 13 mars 1954. Elles sont unique dans toute l’Afrique par leur architecture, conçue par E.-R. Garlandier, ingénieur-architecte d’Oran, et réalisée par l’entrepreneur A. Andreoli. Sur une surface de 4800m², elles ont 210m de diamètre, et peuvent accueillir 10 000 spectateurs.
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Désaffectées et abandonnées après la décolonisation, elles font aujourd’hui l’objet de projets de réhabilitation et de transformation en lieu d’animation et de spectacles. Une première phase de travaux, achevée au début de 2019, a touché deux voûtes présentant dans le passé un danger pour les visiteurs. L’une se trouve à l’entrée principale des arènes et la seconde au niveau du sous-sol du bâti. La fin des travaux a permis l’ouverture de ces arènes au public. La deuxième phase de leur ré-aménagement est aujourd’hui à l’étude. Elle concernera  le confortement et le renforcement des structures du site, ses supports et l’éclairage.

photo  : rachid imekhlef

Sur ces arènes, voir l’étude de Rachida-Hammouche Bey Omar, « La plaza de toros de Orán en el periòdico Oran Républicain« , dans Archivo de la Frontera, 14/12/2016 (http://www.archivodelafrontera.com/wp-content/uploads/2016/12/Plaza-de-toros-de-Or%C3%A1n-2016.pdf )
Voir deux reportages vidéos de 2019, l’un avec commentaires (https://www.youtube.com/watch?v=_hpUB_aupc8 ) et l’autre en musique (https://www.youtube.com/watch?v=7RdR5u_eT2Y ) qui montre l’intérêt architectural de ces arènes.

Sidi-Bel-Abbès (« arènes du Mamelon »)
Les anciennes arènes étaient situées au village Perrin. Le 17 janvier 1892, la Société des Arènes de Sidi-Bel-Abbes prend la décision de construire de nouvelles arènes au bout de l’avenue Edgar-Quinet (Trig-el-Kharoub actuelle) et pouvant accueillir 6000 spectateurs. Les travaux commencent en 1893 et l’inauguration a lieu le 24 juin 1894, avec le fameux matador El Gallo. A la suite de l’interdiction des mises à mort, comme sur tout le territoire métropolitain, des courses landaises y sont prévues. Mais la désaffection du public habitué aux courses espagnoles provoque, le 20 mai 1900, la dissolution de la Société des Arènes Bel-Abbésiennes. La vente aux enchères publiques des arènes est organisée le 23 mai 1901. Une route est par la suite tracée sur leur emplacement, où sera également construit un groupe scolaire.
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L’histoire de cette plaza est retracée dans la vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=leTTPght5aU, qui m’a fourni toutes les données chronologiques.

Bibliographie :
Pierre Dupuy, La tauromachie dans le Maghreb français, [Balaruc-les-Bains], Union des Bibliophiles taurins de France, 2012

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1889 : la Gran Plaza de Toros du Bois de Boulogne, à Paris

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Il n’y a pas que les arènes du Plumaçon et la Tour Eiffel qu’on inaugura en 1889, il y a 130 ans… C’est en effet le 10 août de cette année-là qu’on coupa également le ruban de l’arène du Bois de Boulogne, que j’avais simplement citée dans un ancien article (https://patrimoinecourselandaise.org/2017/03/03/les-courses-de-taureaux-et-les-courses-landaises-1889/ ).

Aussi appelée « Plaza de la rue Pergolèse », elle connut essentiellement des corridas, mais le quadrille de Marin s’y produisit en 1892. Grâce à notre jeune amie coursayre (et historienne de l’Art) parisienne Adeline, qui s’est plongée dans tous les fichiers et répertoires de la capitale, en voici une photographie extérieure (Plaza de toros, 60 rue Pergolèse, Paris, Paris, BnF, département des Estampes et de la Photographie, Va­315 (2) Fol.). C’était un véritable monument de 300 m. de circonférence (polygone régulier de 30 côtés de 10 m., muni de 30 portes et d’une toiture mobile. Le diamètre de la piste était de 56 m. L’édifice comportait 11 rangées de gradins, 116 loges, 22 000 places, 40 stalles d’écurie et 6 corrales de 10 m². Son inauguration eut lieu, comme nous l’avons dit, le 10 août 1889, avec les plus fines lames d’Espagne, et elle n’eut, comme beaucoup de ces bâtiments construits pour les Expositions universelles ou internationales, qu’une vie éphémère. Sa fermeture intervint en effet le 6 novembre 1892. Voici d’ailleurs, toujours grâce à Adeline, ce que disait la presse de l’époque au sujet de cet événement.
« La Plaza de Toros. On vient de vendre, moyennant 15 000 francs environ, tout le matériel du fameux Cirque de la rue Pergolèse, où ont eu lieu, depuis 1889, des courses de taureaux, d’abord très suivies, puis finalement abandonnées par le public. Et maintenant ces arènes, les plus belles du monde au dire des Espagnols eux-mêmes, sont menacées d’une disparition totale et prochaine. A ce propos, voici, en quelques lignes, leur courte et lamentable histoire.
Vers la fin de 1888, une société d’éleveurs de taureaux espagnols, ainsi constituée : M. le duc de Veragua, M. le comte de Aresana, M. le comte del Vilar et M. le comte de Patilla, obtint du gouvernement français l’autorisation de donner pendant l’Exposition, des courses de taureaux sans effusion de sang. On voulut faire grand, puisqu’on était Espagnol. Les terrains pour lesquels on contracta des achats, des baux et des promesses de vente furent estimés à 4 400 000 francs. On y éleva la superbe construction que l’on connaît (MM. Courboul et Delaborde, architectes) et qui ne coûta pas moins de 5 millions de francs. Les travaux furent exécutés en quatre mois, sauf la coupole, qui ne fut construite qu’en 1890.
L’ouverture eut lieu le 10 août 1889. Depuis cette date jusqu’au 10 novembre de la même année, on encaissa 1 200 000 francs. La plus belle recette, celle du 12 septembre, s’éleva à 75 000 francs. En 1890 et 1891, les bénéfices furent moindres : la société espagnole laissa place à une société anonyme qui fut mise en faillite avec un déficit de 860 000 francs. Si les recettes étaient belles, les frais étaient énormes, chaque taureau coûtait 1 500 à 5 000 fr., et il était revendu après la course 250 francs à un boucher. Toutes ces bêtes provenaient des terres de M. le duc de Veragua qui pratique l’élevage du taureau de combat sur une grande échelle, s’il est permis de s’exprimer ainsi, et qui n’a pas moins de 3 500 têtes de ce bétail particulier. Les toreros se font payer bon prix. Angel Pastor et sa cuadrilla, composée de cinq hommes, coûte 3 500 francs par course. (…) Les autres prima spada étaient ainsi rétribuées : Cara-Ancha, 4 500 francs (par course, bien entendu) ; Mazzantini, 5 000 ; Lagartijo, 6 000 ; Guerrita, 6 000 : Espartero, 6000. Le cavalier en place recevait, pour lui seul, 1 000 francs par séance. Tout compté, les frais, pour chaque représentation, s’élevaient à 25 000 ou 30 000 francs.
Les habitants du quartier rappellent avec de gros soupirs ces jours de splendeurs. Malgré tout, ils ne veulent pas croire que l’on puisse se résoudre à démolir cet édifice, alors surtout qu’on tirerait à peine deux cent mille francs de ce qui a coûté cinq millions. »
Gazette anecdotique, littéraire, artistique et bibliographique, n° 8, 30 avril 1893, p. 240-­242

Un saut de taureau à Dax… en 1935

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J’avais récupéré dans ma collection cette belle image d’un sauteur landais au-dessus d’un taureau  manifestement de race espagnole. L’indication manuscrite au dos précisait que cet exploit avait été réalisé à Dax le 27 septembre 1935. J’avais alors contacté, grâce à ce blog, nos fidèles lecteurs et contributeurs pour en savoir plus, et voici les résultats des recherches concernant le saut de ce taureau (en fait un novillo) à Dax en 1935. La date marquée au dos s’est en fait avérée être fausse…

Le premier à réagir a été l’ami Gérard Laborde qui nous fait savoir ceci :
« Pas de problème! Il s’agit du sauteur Dargert I, l’un des plus célèbres de l’époque. Ce jour-là, il s’était engagé par contrat à effectuer 4 sauts au-dessus des novillos d’Encinas travaillés par ailleurs par le grand Joseph Coran. Petite précision supplémentaire : la mention est erronée car ce festival s’est déroulé le 25 août 1935. Une affiche conservée aux Archives de Dax en témoigne… ainsi que les contrats signés par Darregert et Coran avec l’organisateur, un certain Jacques Milliès-Lacroix…. ».

Le second n’est autre que Christian Capdegelle, fidèle chercheur lot-et-garonnais qui confirmait :
« Je ne mets pas en doute la date du 27 septembre 1935 si elle est mentionnée au dos de la photographie. Mais le saut ou plutôt les sauts d’un novillo par un sauteur landais eurent lieu dans les arènes de Dax le 25 août 1935. Ce jour-là ont défilé dans ces arènes les landais Joseph Coran, Gérard Boueilh et Louis Dargert. Ce dernier sauta à quatre reprises un novillo de la ganaderia d’Estéban Hernandez. A ce cartel étaient également présents trois novilleros espagnols et un cavalier portugais Simao da Veiga. »

Merci à tous deux d’avoir redressé la fausse date mentionnée au dos de ce document et d’avoir permis d’identifier le sauteur Dargert, que le dessinateur Rémy a « croqué » dans la même posture au-dessus d’une de nos vaches landaises.

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Un anniversaire cette année : le premier saut d’un taureau de corrida (16 août 1878)

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La scène se passe dans les arènes de San Sebastian, lors d’une corrida dont le grand Frascuelo était chef de lidia. En fait, elle devait se dérouler le 15 août, mais le mauvais temps l’avait fait reporter au lendemain. Parmi les spectateurs, quelques Landais dont le jeune Paul Daverat, originaire de Laurède. Il avait décidé le matin même qu’il sauterait l’un des toros de cette corrida, et avait obtenu pour cela l’autorisation du directeur de la plaza, du maire de la ville et surtout de Frascuelo qui lui aurait dit, selon certains témoins  : « J’accepte : tant que vous aurez les pieds par terre vous serez sous mon autorité, quand vous aurez les pieds en l’air, vous serez dans la main de Dieu ».

Paul Daverat décide de tomber la veste, le gilet et les chaussures au 4e toro ; il se retrouve alors au centre de la piste devant un terrible pensionnaire de la ganaderia du Marquis de Miraflores, de Colmenar Viejo, et sous les huées d’une foule déchaînée contre lui. La bête fonce alors et, au dernier moment, Daverat s’envole dans un saut à pieds joints exceptionnel. Après les insultes, il a droit à une explosion de vivats, et à une oreille remise en main propre par le matador Frascuelo… L’année suivante, à la date anniversaire, Paul Daverat reviendra dans ces mêmes arènes renouveler son exploit. Sa célébrité était faite.