Casino II et son saut du taureau en 1889

« Casino II » est né vers 1869 on ne sait où, et décédé on ne sait où ni quand… Un grand mystère entoure donc encore ce personnage. Voici ce qu’en dit Gérard Laborde :
« Parfois appelé Casino jeune. Il débute dès l’âge de 17 ans, et très vite, il se fait remarquer par son courage à toute épreuve. En 1888, Casino II éclate. Il triomphe lors des courses de la Madeleine à Mont-de-Marsan remportant le 1er prix de 350 fr. devant le maître Marin Ier (…) et tous les autres grands toréadors de l’époque. Quelques temps plus tard, pour les fêtes de Dax, si Boniface reste maître chez lui, Casino II décroche une très belle 4e place derrière Marin et Lapaloque. A Peyrehorade, devant le bétail de première force des ganaderos Bacarisse et Lagardère, Casino II « qui veut décidément arriver, fournit un travail extraordinaire et des sauts très nombreux » s’octroyant le premier prix, supérieurement protégé à la ficelle par Bacarisse le maître des teneurs de corde de l’époque. (…) Au cours de l’été [1889], Casino « se fait annoncer devant les toros de la corrida du 18 août de Saint-Sébastien, par de grandes affiches multicolores placardées dans toute la région ». Mais pour lui, cette première expérience est un fiasco ! Pourtant, la semaine suivante, il se rattrape en sautant les trois premiers bichos de la tarde avec une légère touche par le second dont il se venge par deux écarts superbes. Pourtant la critique ne lui est guère favorable : « Casino, à ses vingt ans, n’a pas la moindre science tauromachique. Il lui manque le savoir et le coup d’œil nécessaires. Mais pour le courage, allant même jusqu’à la témérité, il n’a pas besoin d’en acheter à qui que ce soit ». Et le 9 septembre, c’est le pire qui arrive : Casino est blessé très grièvement, « la cuisse transpercée, sur un saut d’un taureau à Fontarrabie ».
Eléments biographiques tirés du Dictionnaire encyclopédique des écarteurs landais de Gérard Laborde (Editions Gascogne, 2008), p. 87-88 (avec l’aimable et amicale autorisation de l’auteur).

J’ai eu la chance de trouver chez un libraire de San Sebastian deux exemplaires différents non pas de ces grandes affiches, mais d’affichettes qui en étaient peut-être la version tract (ou « flyer » comme on dirait aujourd’hui). Voici la première d’entre elles, dans laquelle l’on voit en premier lieu que le « saut du Français » représentait une attraction aussi importante que la présence des deux grands matadors Lagartijo et Angel Pastor. On y lit que le fameux écarteur (notons au passage qu’on conserve le mot français) est décrit comme le rival du célèbre Paul Daverat, et qu’il exécutera sa prestation bien sûr si l’un des taureaux veut bien s’y prêter… Ce saut est présenté comme la suerte « la plus brillante, la plus dangereuse et la plus émotionnante » du toreo français. On précise par ailleurs que Casino a obtenu de nombreux succès avec ce saut et qu’il a gagné grâce à lui de nombreuses médailles dans les concours de sauteurs. On concluait en rappelant la grande différence qui existait entre les vaches landaises et les vigoureux taureaux de combat espagnols, différence qui fournirait au spectacle son intérêt dramatique. En sachant que Casino vaincrait les terribles dangers auxquels Daverat avant lui avait été confronté dans cette même plaza.
Malheureusement sa prestation ne fut pas à la hauteur de la publicité qu’on en avait faite…

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La seconde affichette de l’annonce du « saut du français » n’est dédiée qu’à notre compatriote et ne comporte aucune mention des toros ni des toreros qui allaient officier ce jour-là. Elle reprend mot à mot le texte de la première, mais estropie dans le dernier paragraphe le nom de Daverat en l’appelant « Daudet »…

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Les exploits de Paul Daverat

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Le premier saut d’un taureau en Espagne par un sauteur landais (16 août 1878)

Je vous ai narré il y a quelque temps le premier exploit réalisé par ce héros de la course landaise, Paul Daverat : https://patrimoinecourselandaise.org/2018/02/11/un-anniversaire-cette-annee-le-premier-saut-dun-taureau-de-corrida-16-aout-1878/.
A 15 jours de son mariage, il avait été défier un des toros réservés au grand matador Frascuelo, avec son autorisation bien sûr, et avait même été récompensé d’une oreille du bicho. C’est d’ailleurs toujours, à notre connaissance, le seul acteur de course landaise qui ait eu cet honneur.
Certains pourraient contester le jour et l’année que je donne, car on cite souvent le 15 août et l’année 1877 pour cet exploit. Mais comme toujours, un bon historien se doit de vérifier et de croiser les documents. Pour le jour, il suffisait de reprendre le récit qu’en fait l’un de ses plus fiables témoins (« Don Emilio » [Emile Pédedieu], de Mugron, ami et accompagnateur de Daverat à San Sebastian), qui rapporte que la corrida prévue le 15 août fut reportée au 16 en raison d’une tempête de pluie qui s’abattit sur les arènes à l’heure de la course. Mais il restait un  petit doute sur l’année, qui, je dois le dire, me titillait en tant que chercheur. J’ai donc continué à fouiller, et j’ai trouvé la preuve qu’il s’agissait bien de 1878 et non de 1877. En effet, nous trouvons le compte-rendu de l’exploit de notre Landais dans le Diario de San Sebastian du 17 août 1878 (page 2), aujourd’hui numérisé http://liburutegidigitala.donostiakultura.com/liburutegiak/catalogo_archivo_ficha.php?dp_id=80&y=1878&m=8&fecha=1878-8-17&dpf_id=687733 .
On ne pourra donc plus dorénavant, j’espère, donner une autre date que celle-là…

Paul Daverat de retour à Saint-Sébastien en 1879…

Grâce à l’ami Christian Capdegelle, voici le récit de la prestation réalisée par notre sauteur dans les arènes de Donostia l’année suivante, en 1879. Malheureusement, elle n’eut pas le même succès que la première…
« Courses de taureaux en Espagne. – On écrit de Saint-Sébastien, le 3 septembre [1879] :
Les courses de taureaux données dimanche dernier à Saint Sébastien ont attiré nombre d’étrangers résidant à Biarritz, qui ont voulu connaître le jeu si en honneur au-delà des Pyrénées.
Frascuelo et Largartijo ont mérité de chaleureux applaudissements. L’écarteur landais Daverat était engagé pour renouveler dans cette course un exercice des plus difficiles, celui de franchir d’un bond le taureau fondant sur lui.
C’est le troisième taureau qui devait servir à ce saut périlleux. Daverat, en pantalon blanc, attire à lui la bête qui se précipite dans sa direction : le Landais s’élance ; mais le taureau s’arrête net, accroche le pantalon de l’écarteur, qui tomba sur l’échine de la bête. Le malheureux s’allonge et reçoit un coup de corne qui déchire sa chemise.
C’en était fait du sauteur sans le sang-froid de Lagartijo, qui lance sa capa sur les yeux du taureau. Alors celui-ci abandonne le Landais pour poursuivre le voile léger dont la couleur l’irrite. Daverat veut recommencer l’épreuve ; le public s’y oppose et l’alcalde Erraza l’interdit.
Daverat se retire, mais il donne une nouvelle preuve du ressort de ses jarrets en franchissant à pieds joints la barrière de l’arène.
Parmi les spectateurs, on remarquait le prince Gortchakoff, ambassadeur de Russie à Madrid. (L’Impartial Dauphinois, 10 septembre 1879).

Paul Daverat à Paris en 1887…

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Je vous ai déjà parlé de ces fameuses « Fêtes du Soleil » organisées à Paris en janvier 1887 au profit des inondés du Midi. Voici la présentation que Le Figaro fait de nos sauteurs qui devaient ravir quelques jours plus tard tout le public de la capitale, avec en prime une interview exclusive de Daverat !
« Les Landais ne possèdent pas que des génisses. Ils ont avec eux divers taureaux, entre autres le célèbre Mazantini dont le nom est mis en gros caractères sur les affiches, à Saint-Sébastien ou à Bayonne.
On verra, dimanche, les deux principaux sauteurs des Landes, MM. Paul Daverat et Nassiet. Je demande au premier quels sont ses exercices :
– Je me tiendrai avec Nassiet et les sept écarteurs dans l’arène. On fera sortir un taureau. Il s’élancera sur moi. Je sauterai par-dessus, soit à pieds joints, soit en ayant les pieds dans un béret [comme la gravure d’époque ci-dessus le montre]. A chaque nouveau taureau, je ferai un saut différent. Une fois, je me lierai les jarrets. Une autre fois, je sauterai de côté. On aime aussi que j’attende le taureau en tenant les deux bouts d’une baguette, par-dessus laquelle je saute en l’air. Enfin, je ferai tout ce que je pourrai pour satisfaire les Parisiens.
Paul Daverat est un grand gars solide, qui a absolument le type basque. L’extérieur est très sympathique. Il est descendu avec ses compatriotes rue Rochechouart, au Grand-Hôtel d’Amérique. » (Le Figaro, 13 janvier 1887)