
Je vous ai parlé récemment de l’inauguration des arènes de Pau en 1912. Mais la capitale du Béarn n’avait pas attendu cette date pour offrir à ses habitants le spectacle des courses landaises.
Déjà en 1866, pour les fêtes de bienfaisance qui s’y déroulent, on annonce pour le 3 avril à 2 heures, une « Grande course aux taureaux sur la place Napoléon ». « Une quadrille landaise choisie parmi les meilleurs écarteurs » s’y produira, et 4 prix de 100, 150, 250 et 300 fr. seront répartis entre les vainqueurs. Par ailleurs, 400 fr. d’encouragement seront décernés par le jury et les « commissaires spéciaux ». Une affiche ultérieure devait donner d’autres détails, mais nous ne l’avons pas retrouvée.
Nous avons en revanche pu découvrir le compte-rendu de cette course, paru dans le Mémorial des Pyrénées du 5 avril 1866 :
« Fêtes de Pau (2e journée). – Les courses de taureaux – lisez vaches landaises – avaient attiré mardi une foule considérable au vaste amphithéâtre élevé sur la Place Napoléon.
Ces courses ont commencé à deux heures, et le public en a suivi avec émotion les divers incidents, applaudissant tantôt à l’agilité des écarteurs, dont quelques-uns ont fait preuve de beaucoup de hardiesse en franchissant les animaux de la tête aux pieds ainsi qu’en travers, tantôt la vigueur avec laquelle ces mêmes animaux, excités par les mouchoirs secoués devant leurs yeux, se précipitaient à la poursuite de leurs agresseurs.
Des mesures avaient été prises au surplus pour épargner aux spectateurs le côté sanglant de ces jeux ; car le goût de ces divertissements est loin encore d’avoir pénétré nos mœurs ; nos populations ne paraissent pas disposées à savourer, à l’instar du peuple espagnol, la vue de ces taureaux couverts de sang, éventrant les chevaux et les hommes et succombant à leur tour, aux applaudissements d’une multitude exaltée à la vue de leurs cadavres traînés dans l’arène.
Ici il n’en était point ainsi, et bien que les vaches landaises qu’on nous a présentées aient montré beaucoup d’entrain et de vigueur, on était rassuré d’avance, parce qu’étant attachées avec une corde, il était possible de les retenir, et ensuite parce que l’enceinte de l’amphithéâtre n’étant pas très vaste, il était assez facile aux écarteurs de leur échapper en se réfugiant dans les loges préparées à cet effet.
La musique de la ville se faisait entendre par intervalles et contribuait ainsi à l’éclat de cette journée, qui n’a été troublée par aucun fâcheux incident, malgré la grande multitude rassemblée sur l’amphithéâtre, qui du reste, nous devons en remercier les organisateurs de la fête, était construit avec beaucoup de solidité.
Voici dans quel ordre les prix ont été décernés :
1er prix : M. Louizot [Louis Mamousse, dit Louisot], de Labastide
2e prix : M. Dufau, Joseph [Joseph Dufau, dit Cocard], de Labastide
3e prix : M. Dufau, Pierre [Pierre Dufau, dit Pinan], de Labastide
4e prix : M. Bordeaux, Pierre, de Barcelonne
5e prix : M. Mauléon, de Dumes
6e prix : M. Tisaux, de Mont-de-Marsan
7e prix : M. Duprat, de Dax
8e prix : M. Dayris, de Dax.
Nous sommes persuadé que la recette a dû être abondante : l’affluence des spectateurs et le prix élevé des places sont en effet deux motifs suffisants pour faire supposer que les pauvres n’auront qu’à se louer du résultat… »
Le grand intérêt de ce texte, outre de nous renseigner sur l’ancienneté des courses paloises, est de fournir les noms de ces écarteurs pionniers et leur origine géographique, ce qui en permettra une identification plus précise.
35 ans plus tard, en mai 1901, la capitale du Béarn remet çà, mais plus en pleine ville, sur la place Napoléon (devenue place de Verdun). Des arènes sont installées à quelques encablures de la préfecture, dans la proche banlieue. Voici ce que l’on peut lire dans Le Figaro du 17 mai 1901 sur cette course mouvementée :
« Pau. – Les courses landaises de Pau-Gélos ont été marquées de plusieurs accidents.
L’écarteur Marin a été blessé deux fois. Le jeune Émile Girard, dit Moutchacho, âgé de seize ans, a été très grièvement atteint d’un coup de corne à l’aine et a dû être transporté à l’hôpital de Pau. Un des sauteurs a eu le genou déboîté. »
Gelos devient à cette époque le lieu privilégié des courses landaises, et nous en retrouvons une superbe illustration en septembre de la même année :

Tirée des trésors de Jean-Pierre Dubecq (un nom bien connu des historiens de la course landaise!), que nous remercions ici pour sa collaboration à ce blog, voici l’exceptionnelle affichette de cette course. On remarquera tout d’abord que la gravure n’est pas vraiment adaptée, puisqu’elle représente une entrée a matar de corrida.
Au programme, d’abord, le traditionnel défilé dans les rues qui, si je ne m’abuse, se perpétue essentiellement à Orthez. La course, donnée dans les arènes du « Pont du Soust », était organisée en deux parties, avec le bétail justement de M. Dubecq, le ganadero d’Estibeaux. On voit d’ailleurs que les vaches avaient leur nom en bonne place sur l’affiche, avant ceux des écarteurs, et qu’on mettait en particulier en avant les terribles Peluquina et Paloma qui venaient en un mois de blesser grièvement trois acteurs…
La cuadrilla était composée de Camiade, Giret, Lalanne, Duffau (Jeanton), Duffau (Pierre) et Pevau, ainsi que des deux sauteurs Camiade fils et Richelieu.
Par suite du mauvais temps, elle fut reportée au dimanche suivant. Le compte rendu en est fait dans L’Indépendant des Basses-Pyrénées du 24 septembre, qui trouve qu’elle ne répondit pas aux attentes du public :
« [Avant-]Hier dimanche, a eu lieu aux arènes du Soust une course landaise sous la direction de M. Dubecq, en présence d’un nombreux public.
Disons de suite que si le bétail a été bon, il n’en a pas été de même des écarteurs dont on nous avait promis l’élite.
Si nous en exceptons Pévau et Camiade fils, on peut dire que les autres n’étaient dans les arènes que pour parade.
Il est regrettable – ce sport semblait pénétrer dans les mœurs paloises – que le public soit déçu par des alléchantes promesses qu’ont l’habitude de faire les directeurs de ces corridas. »