Des courses à… Moissac en 1896

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Dans la série « Nos Landais s’exportaient bien »…. On le sait peu, mais le Tarn-et-Garonne fut un temps une terre taurine. La ville de Moissac, célèbre par son abbaye romane, connut en particulier plusieurs courses hispano-landaises. Voici, grâce au fouineur Christian Capdegelle, la relation de celles qui s’y déroulèrent au mois d’octobre 1896. Je n’ai retenu que les passages concernant notre sport landais, mais l’ami Christian a en archives le compte-rendu intégral de la partie corrida, menée en particulier par Félix Robert.
« Moissac. – Les courses de taureaux. – Dimanche, à l’occasion de la première journée des courses de taureaux, spectacle des plus rares dans la région, nous avons eu dans nos arènes moissagaises une énorme affluence d’étrangers. (…) A 2 heures a eu lieu la promenade en ville des matadors, écarteurs, banderilleros et toreros. Malgré un orage, suivi d’un peu de grêle, qui a éclaté avec du tonnerre de 11 heures à midi, le terrain de la place des Récollets était très propice pour les courses.
A 3 h. 5, toute la troupe fait son entrée dans l’arène et vient saluer M. le maire, suivant l’usage.
Les courses landaises ont été bien menées et s’il y a eu quelques vaches un peu paresseuses, en revanche d’autres ont été très agiles et marchaient avec un grand entrain.
A l’apparition de la première vache et au premier écart qui a été fait, le sieur Mathieu [Mathieu Banquel] a été frappé à la joue, pas trop sérieusement, car il a continué ses exercices et a donné une juste idée de son travail de hardiesse qui mérite des compliments. Les écarteurs Nassiet et Bellocq ont fait un travail remarquable avec des écarts et des sauts, des vaches qui étaient des plus téméraires ; les écarteurs étaient bien secondés par leurs confrères et par le teneur de corde Louisat [en fait Louis Mamousse, dit Louisot ou encore Mamousse].
Les artistes de M. Barrère, comme son troupeau, méritent la réputation qu’ils ont. Après la surséance a lieu la course aux taureaux. (L’Express du Midi, mercredi 14 octobre 1896) ».

« Moissac. – Courses de taureaux. – On lit dans le Ralliement de Montauban :
Moins belle que celle  du dimanche précédent, la journée d’hier avait attiré une moindre affluence à nos courses. Cependant les étrangers y étaient encore nombreux. Est-ce qu’ils se passionnent pour ce spectacle ? Nous croyons plutôt qu’ils y viennent poussés par la curiosité. Quoi qu’il en soit, voici ce qui s’est passé, en une éclaircie, dans notre arène.
Courses landaises. – Toujours un peu pâles comme mises en scène, en dépit de l’habileté des écarteurs. Baillet, Nassiet, Lafon [pour Laffau ?], Barthélémy, Marin II, Daudigeos, Belloc ont été téméraires jusqu’à la folie et leurs écarts et leurs sauts ont à plusieurs reprises provoqué les applaudissements du public. Baillet a reçu de la première vache, un coup de corne au cou, mais la blessure est sans gravité. En somme, bonne course ; mais, je le répète, un peu trop grise par un temps qui ne l’était pas moins. (L’Express du Midi, mardi 20 et mercredi 21 octobre 1896)

Des courses landaises en 1920… à Lorient

Il y a tout juste 100 ans, au lendemain de la Grande Guerre, la course landaise connaît encore une certaine notoriété hors de nos frontières gasconnes. Témoins ces courses organisées dans la sous-préfecture du Morbihan les 11 et 12 septembre 1920. Grâce à mes anciens collègues archivistes, voici quelques documents qui en ont été conservés.Lorient_1920_couv

Ces courses avaient été organisées dans le cadre (je n’invente pas !) des grandes fêtes de la « Quinzaine du Poisson ». On avait construit une arène sur le champ de manœuvre du Faouëdic, et c’est la ganaderia Nassiet qui avait été choisie pour ces manifestations, avec la cuadrilla Coran. Outre le chef (debout à l’extrême gauche), firent le voyage : Suisse (debout à l’extrême droite), comme sauteur-écarteur, Moreno (assis à gauche), Oscar, Morenito comme écarteurs, et le grand Flam (dit Kroumir) comme teneur de corde (debout, à l’arrière-plan, avec son béret et ses superbes moustaches !). Voici la photo de la cuadrilla Coran au grand complet, offerte par Le Nouvelliste du Morbihan, et où l’on reconnaît également Bras-de-Fer (assis, à droite), qui n’avait pas fait le déplacement.
Le programme, que je vous présente ci-dessous, était particulièrement alléchant et comportait en particulier un intermède d’entracte qui devait permettre aux spectateurs bretons de découvrir la «Grande suerte de Dom Tancredo», exécutée par le «célèbre Lapubie» [pour Lapébie…].Lorient_1920_prog

Ces courses eurent tellement de succès qu’une nouvelle représentation fut donnée 2 jours plus tard, et en nocturne. Voici ce qu’on pouvait lire dans L’Ouest-Eclair du 14 septembre 1920, à course supplémentaire :
« Lorient. Les courses landaises. Ce soir grande représentation populaire. Nous ne pouvons que féliciter le comité des fêtes de l’excellente initiative qu’il a prise d’organiser une représentation populaire des courses landaises à prix réduits. Elle aura lieu ce soir, à 8 heures 30, au champ de manœuvres du Faouédic. Prix des places : tribunes réservées, 5 fr. ; places à 3 francs et à 1 franc.
C’est un spectacle qui mérite d’être vu et qui n’est pas sans danger, puisqu’à la représentation de dimanche après-midi, deux écarteurs ont été blessés, dont l’un très grièvement. C’est le dernier numéro d’une grande attraction de la quinzaine. Il faudra y assister. Dès ce matin, on peut retenir ses places au théâtre municipal.
L’arène sera éclairée à l’électricité.
On peut être assuré qu’à toutes les places, ce spectacle passionnant pourra être vu de tout le monde. Qu’on en profite. »
Grâce à l’amabilité de l’archiviste de Lorient, voici une (rare) image de ces courses de 1920. On y admirera en particulier l’architecture rudimentaire des arènes éphémères et l’on peut également y admirer le succès populaire de cette prestation de nos Landais !

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Les courses à Mugron en 1878

Je vous ai déjà parlé des courses qui avaient été organisées à Mugron lors de l’inauguration de la statue de Frédéric Bastiat et de la venue à cette occasion du ministre Léon Say (https://patrimoinecourselandaise.org/2018/02/22/des-courses-a-mugron-en-1878/ ). Voici ce qu’en dit La Petite Gironde du 25 avril 1878 :

« A 4 heures 1/2, le cortège est allé assister à une course landaise dans les arènes de Mugron, car Mugron a des arènes. Pourquoi une course dans le programme d’une fête en l’honneur d’un grand économiste. Nous avons entendu dire par les uns qu’on avait voulu donner au ministre et aux invités étrangers le spectacle d’un curieux divertissement local; par les autres, que c’était toujours en mémoire de Bastiat, lequel, dans sa jeunesse, aurait beaucoup aimé et même pratiqué ce divertissement. Quoi qu’il en soit, la course a été intéressante, et c’était l’essentiel. »

Nous n’avons pas encore retrouvé le comte-rendu détaillé de cette course, mais si cela arrive, nous ne manquerons pas de vous le faire connaître. En attendant voici la gravure représentant le monument élevé sur la place de Mugron, parue dans Le Monde illustré du 4 mai 1878.

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Les cuadrillas il y a 100 ans…

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A l’heure du mercato et de la recomposition des cuadrillas, un petit coup d’œil dans le rétroviseur pour voir quelle était la situation des cuadrillas au lendemain de la Grande Guerre.

La Tuile nous en fournit l’illustration. Elle nous présente les 3 grands chefs d’alors, 3 « rois de l’arène » d’avant-guerre :

1) Joseph Koran, qui dirigeait la cuadrilla attachée au nouveau ganadero d’Aignan Paul Ladouès ; on retrouvait à ses côtés Moreno, Suisse, Picard, Oscar, Bras-de-Fer, Candau et le cordier Eugène Kroumir, dit Flam ; il faut y rajouter le fameux Bamboula, chargé d’exécuter la suerte de Don Tancredo pendant les intermèdes ; Koran achètera des camarguaises à la fin de l’été et montera sa propre ganaderia en fin de cette saison 1920 ;

2) Giovanni l’Italien, attaché au grand ganadero Joseph Barrère qui réunira cette année-là son troupeau à celui de Portalier, avec Henry Meunier, Guichemerre, Montois, Mazzantini, Biscard, Despouys II et le sauteur Faber ; s’y rajoutera en cours de saison Lacoste II ;

3) et enfin l’écarteur de Villeneuve-de-Marsan Camille Couralet, attaché au nouveau ganadero d’Eauze Jean-Joseph Lafitte, avec Cantegrit, Lalanne, Minville, Morlaës, Sabon, le cordier Martial « plus deux éléments qui n’ont pas reparu depuis 1914″…

Voici la publicité du ganadero Lafitte à cette époque :

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Le feuilleton de la rénovation de la course landaise…

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Je crois que depuis que j’use mes culottes courtes puis mes pantalons sur les gradins des arènes landaises et gersoises, toujours discrètement, j’ai régulièrement entendu cette antienne, à la buvette comme au milieu des connaisseurs dans l’axe : « La course est foutue ! Si ça continue comme ça, dans quelques années elle n’existera plus ! Il faut qu’ils changent tout ! ». En fait, si l’on jette un regard vers le passé, on se rend compte que ces réflexions ont quasiment été une constante dans l’histoire de notre sport gascon. C’est d’ailleurs sous le titre de « La rénovation de la course landaise » que L’Art taurin publie le 27 septembre 1931 un article qui rappelle les grands épisodes précédents. Etait alors en débat la création d’une solide « Fédération taurine landaise », dont le rôle principal devait être d’établir un règlement type « capable d’infuser un sang nouveau à notre Course landaise agonisante ». Au passage notons que notre Course agonisante n’en finit toujours pas de mourir près de 90 ans après…
Le journal rappelle ainsi que dès 1889, Prosper Séris appelait déjà de ses vœux un « modeste règlement » de notre divertissement ancestral. Quatre ans plus tard, en 1893, c’est le Dr Batbedat qui faisait des propositions dans Le Torero de Paris. Depuis, ajoute le chroniqueur, « bien des Congrès taurins ont tenté de pallier au manque d’amour-propre, au manque de cœur, aux fantaisies capricieuses de nos pantalons blancs ». Et de rappeler celui du 16 mars 1905 organisé par « l’Union taurine landaise de Bordeaux », ceux du 26 octobre 1913 et 1er février 1914 initiés par Rebba, celui du 5 décembre 1920 mis sur pied par les sociétés taurines gersoises, et enfin le Congrès tauromachique du 26 février 1928 provoqué par « l’Union tauromachique bordelaise ». Malgré toutes ces assemblées, tous les efforts étaient restés vains, et aucun règlement type n’avait pu voir le jour : « les réformateurs se sont heurtés au scepticisme, à l’égoïsme, à l’inertie de certaines commissions de fêtes, à une fausse conception de leur indépendance chez certaines autres ». Et le journaliste ajoutait : « je persiste à penser que Fédération et Règlement sont choses inséparables ».
Dans les propositions qu’il faisait, venait en premier lieu la création d’une école taurine, en deuxième la sélection d’un bétail de choix, en troisième « l’obligation pour tout homme qui défile au paseo de fournir durant la course un travail en rapport avec ses facultés et son talent ». D’autres articles fort intéressants venaient ensuite, et je pense qu’il sera utile de les publier en entier un jour prochain. Peut-être pour donner des idées à certains ou pour revenir à quelques valeurs un peu oubliées… Ou tout simplement pour nourrir le débat autour de la prochaine « régénération ».