Je ne peux résister, en ce début de temporada, au plaisir de vous faire partager ces lignes écrites par un « nordiste », M. Barbier, et datées de Châtillon-sur-Loire le 8 septembre 1888, il y a 130 ans. Elles ont paru à la fin de l’article que ce personnage rédige sur « La tauromachie en France et en Espagne » dans le Bulletin local de la Société académique des Hautes-Pyrénées, t. 1, 1890, p. 44-48. La conclusion peut fournir un bon exercice de réflexion…
« Il me reste à dire deux mots de jeux fort en honneur sur le versant nord-ouest des Pyrénées. Je veux parler de la course landaise.
Ici, plus de taureaux, ce sont des vaches qu’on lâche dans l’arène; plus de scènes d’abattoir, comme de l’autre côté de la montagne; mais le danger pour l’homme n’en subsiste pas moins. La vache, dont l’allure est si différente de celle du taureau, est tenue en longue laisse. Une seule chose subsiste, c’est l’agilité de l’écarteur. Le Landais trompe la bête affolée, esquive ses attaques par des écarts serrés, des feintes de pied ferme, des sauts à pieds joints ou périlleux. La course landaise a donc plus d’un rapport avec la course provençale.
Ne faudrait-il pas voir, dans ces jeux, des exercices créés par une race qui, sous la double influence des coutumes provençales et des mœurs espagnoles, n’a pu satisfaire complètement ni aux unes, ni aux autres, par suite du milieu où elle a vécu et des différences de goûts et d’aptitudes, résultant de la fusion des races d’Orient avec celles d’Occident? Je serais assez porté à le croire.
Mais, en France comme en Espagne, dans les Landes comme sur les bords du Rhône, qu’elle ait pour origine un souvenir religieux ou un exercice chevaleresque, le combat avec les taureaux est toujours en grand honneur. Les fils continuent à aimer ce qui charmait leurs pères. Qu’on l’appelle course ou ferrade, la lutte tauromachique est un pieux hommage rendu à la mémoire des ancêtres. Et voilà pourquoi cet usage reste aussi vivace qu’aux temps antiques. C’est que, de tout temps, la tradition a été pour l’homme un dépôt sacré. Gardons-là donc cette tradition. Des Alpes aux Pyrénées, gardons-le précieusement cet héritage de nos pères; c’est le lien qui unit les fils aux aïeux, l’homme à sa patrie. »