Au printemps 1942, les autorités allemandes autorisent l’organisation de courses landaises. Jusqu’à la mi-mai 1944, plusieurs vont pouvoir ainsi alterner avec une dizaine de courses « hispano-portugaises » dans lesquelles les rejoneadors remplacent les picadors.
Les quatre premières de nos courses landaises se déroulent dans les arènes de Bordeaux-Bouscat au mois d’avril, et commencent le week-end de Pâques, les 5 et 6 avril 1942. En voici les comptes-rendus.
« TAUROMACHIE. La course landaise du dimanche de Pâques [5 avril] à Bordeaux.
Ni le temps incertain, ni les nombreux spectacles de toutes sortes offerts dimanche au public bordelais, n’empêchèrent les aficionados de se rendre aux arènes de Bordeaux-Bouscat pour cette première réunion de l’année tauromachique.
Aucun ne le regretta, car l’intérêt du spectacle ne faiblit pas un seul instant. Et, si peu que la température veuille favoriser ce lundi de Pâques, c’est la foule des grands jours qui viendra applaudir au cran, à l’endurance, a la valeur de la cuadrilla, et à l’allant magnifique du troupeau le M. Saint-Martin, jamais plus en forme et jamais plus dur pour les écarteurs.
De rudes et douloureuses « tumades » en témoignèrent tout au long de l’après-midi, et il fallut malheureusement enregistrer la « cogida » grave de Gérard, qui fut emporté avec un bras cassé.
Sans espace pour nous étendre davantage voici le palmarès de la journée, dû à l’impartiale compétence de M. Cantegrit, et qui résume parfaitement toute la course :
1er, Lavigne II (toujours lui), 43 présences, 219 points ; 2e, Lavigne I, 32 et 142 ; 3e, René, 23 et 115 ; 4e. Lalande. 18 et 104 ; 5e, Pontois, 15 et 102 ; Gérard est inscrit pour 6 présences et 35 points et le sauteur Castelnau pour 1 écart et 12 bonds.
Félicitations à tous, bravo pour le ganadero; mention a Guichemerre pour la « ficelle »; aux entraîneurs pour leur souffle, et à tout le personnel de la piste. Nous nous en voudrions d’oublier de faire mention du plein succès remporté par le « Charlot » bordelais, seul une première fois, puis concourant en fin de course â la réussite de la présentation des amateurs, un peu inattendus, qui s’initièrent aux émotions de l’arène et parachevèrent le succès de cette première sympathique manifestation de la temporada.
La direction prévient que la course d’aujourd’hui lundi, avec les mêmes écarteurs et plusieurs vaches nouvelles, commencera à 15 h. 30 précises. CASCABEL. » (La Petite Gironde, 6 avril 1942)
« TAUROMACHIE. ARENES BORDELAISES.
La course landaise du lundi de Pâques [6 avril].
Température très agréable et entrée magnifique pour cette seconde Journée du sport landais dans nos arènes. Bétail très ardent, fougueux et dur aux écarteurs. Bravo au ganadero M. Saint-Martin.
Le résumé de la course est dans le palmarès très précis de M. Cantegrit, « tumades » exceptées, et il y en eut de rudes : l. Lavigne l. 41 écarts et 218 points ; 2. Lavigne II, 40 et 204 ; 3. René. 21 et 109 ; Pontois (qui fit le meilleur), 11 et 73; Lalande, 10 et 55, et Castelnau, 11 sauts.
Succès de toute la cuadrilla, fou rire avec les amateurs très nombreux cette fois. Gros bons points à Guichemerre pour son coup d’œil et sa poigne. Mention pour l’orchestre que dirige M. Geyre, et félicitations à l’empresa pour ces heureux débuts et la recette d’aujourd’hui. CASCABEL. » (La Petite Gironde, 7 avril 1942)
La troisième a lieu une semaine plus tard, notamment devant un parterre de soldats allemands venus découvrir notre sport landais :
« TAUROMACHIE. La course landaise du 12 avril aux arènes de Bordeaux-Bouscat.
Nous voudrions pouvoir parler ici plus longuement qu’il ne nous l’est permis de cette troisième très intéressante manifestation du sport landais dans notre plaza.
Réunion favorisée par une température idéale et qui se déroula devant les gradins magnifiquement garnis d’une foule vibrante qui ne cessa de fêter les écarteurs, les attractions très brillantes ajoutées au programme et de rire aux « prouesses » des amateurs, en fin de journée.
A la base de ce nouveau succès furent encore les « baquillas » fougueuses et brutales de M Saint Martin, qu’il faut toujours féliciter chaudement pour la sélection de ce troupeau de choix.
Pour la cuadrilla, à la peine et à l’honneur comme elle a coutume, voici les résultats du classement, ratifié par les ovations du public :
Lalande, avec 38 présences et 138 points ; 2. Pontois (particulièrement en forme), 24 et 115 ; 3. Lavigne I, 19 et 80 ; 4. Lavigne II, 19 et 70 ; 5. René, 17 et 62.
Castelnau fut inscrit pour 55 points (12 sauts). Guichemerre mania la corde avec opportunité et adresse. Les musiciens de M Geyre sont dignes de leur chef éclairé. Et M. Lataste compte avec cette troisième journée un troisième bulletin de victoire. CASCABEL » (La Petite Gironde, 13 avril 1942)
La dernière de ce mois d’avril se déroule une semaine plus tard, le 19 avril 1942 :
« TAUROMACHIE
La course landaise du Bouscat
TROUPEAU ET QUADRILLA SAINT-MARTIN.
Cette quatrième séance avec les mêmes éléments avait bénéficié, comme ses devancières, d‘un temps doux et d’une bonne entrée. Des attractions en corsaient le programme qui. en lui-même, ont sans doute suffi à retenir les spectateurs. De ces intermèdes, deux numéros de force d’inégal intérêt furent applaudis, le premier pour des facéties qui firent s’esclaffer, le second pour sa tenue et la réelle qualité du travail. A tous deux manqua l’optique du music-hall. La danseuse espagnole qui présenta, dans les costumées de rigueur, un paso doble et une série de seguedille, est une fort jolie femme. Ceci, qui est toujours pour une danseuse, la moitié du talent, parut, celle fois, en être la totalité. Mais elle semble fort bien douée et sera revue avec plaisir après un peu d’école.
Les écarteurs mirent, eux aussi, une immense bonne volonté pour justifier leur fréquent retour sur la piste bouscataise. Tous firent de leur mieux malgré des tumades et des poursuites serrées. Seul encore Pontois donne toutefois la note artistique mais ceci, il est vrai, avec les vaches les plus faciles.
Lavigne II, 57 écarts, 180 points, se dépensa généreusement ; Lalande, 31 écarts, 140 points, lutta avec ardeur pour défendre sa place ; René fut dans un de ses meilleurs jours (24-92). Pontois ne parut que 14 fois pour 63 points et Lavigne I, 11-48. Le sauteur Castelnau, 11 sauts, 51 points. La corde était tenue par Guichemerre avec vigueur.
Le bétail était encore dans sa grande forme. La vache primée en imposa aux amateurs et les tint en respect après en avoir durement secoué un contre la barrière. Elle rentra avec ses rubans intacts cependant que la foule s’écoulait satisfaite. (La France de Bordeaux et du Sud-Ouest, 20 avril 1942)
J’ai récupéré récemment un reportage photo réalisé justement par un soldat allemand lors de la course du 12 avril. Je vous présente en exclusivité ci-dessous ces images très rares prises pendant l’Occupation.