Je vous ai déjà présenté la biographie du fameux Félix Robert, écarteur puis matador landais. Avant de se lancer véritablement dans la carrière de torero, il participe, au début des années 1890, à des courses « hispano-landaises » – nous sommes alors à leur âge d’or – et en organise également. On a vu qu’il effectua plusieurs tournées avec Marin 1er dans le Sud Ouest et le Sud Est ; ce qu’on sait moins c’est que, devenu chef, il va organiser lui-même des spectacles mixtes en formant, avec quelques collègues écarteurs et sauteurs, le « Quadrille d’élite landais » dont nous vous présentons l’affiche. Ces hommes vont notamment se produire en Algérie et au Maroc, puis arpenter les routes espagnoles à la conquête du public des arènes de nos voisins. Comme on le voit sur ce document, les « courses landaises » qui y sont présentées sont essentiellement des jeux avec des taureaux plutôt en lien avec la tradition espagnole, à cheval ou à pied. Seul le saut et l’attente avant écart (?), à droite, nous rappellent un peu nos traditions.
Le texte en bas de l’affiche précise: « M. Robert, chef du Quadrille Landais », le plus célèbre toréador fin-de-siècle pour le placement et l’enlèvement simultané de simulacre de mort. » Nous étions en effet encore sous le coup de la loi Grammont et donc sous le coup de l’interdiction de tuer les taureaux en public. Ce quadrille, outre Félix Robert, comportait notamment le grand sauteur Paul Nassiet et son frère André.
Avant de quitter la métropole, le quadrille commence par se produire en France, et je vous propose le compte-rendu que fait le journal Gil-Blas le 24 août 1892 de sa prestation vichyssoise:
« Un de nos amis, grand amateur de tauromachie, en ce moment en villégiature à Vichy, nous écrit pour nous conter les hauts faits d’un quadrille landais, celui de Félix Robert qui, paraît-il, exécute les plus audacieuses et les plus captivantes passes. On ne peut être plus téméraire et plus habile! Un jour c’est le quadrille tout entier qui, saisissant le taureau furieux par les cornes, par les jambes, par la queue, le renverse et le tient couché à terre. Un autre jour c’est Nassiet qui, ayant les pieds attachés et renfermés dans un béret, franchit d’un bond la bête ; une autre fois encore, c’est Robert qui, remplaçant à l’improviste la cavalière en place, saute, en tenue de combat, sur un cheval et pose de suite au taureau plusieurs flots de rubans qu’il reprend immédiatement, aux applaudissements de la galerie. Notre ami termine sa lettre par un cri que nous poussons volontiers avec lui. Hip ! Hip ! Hurrah ! pour la tauromachie française et pour Félix Robert ! »
J’ai retrouvé une publicité dans le journal d’Alger La Justice du Peuple du 28 mai 1893 qui annonçait ainsi la venue de ce quadrille en reprenant d’ailleurs le texte de l’affiche :
« Arènes-Hyppodrome [sic].- On nous annonce pour le dimanche 8 juin une grande course landaise. L’Administration, désireuse de satisfaire le public, n’a reculé devant aucun sacrifice. Elle vient d’engager, en effet, le célèbre quadrille d’élite landais – Robert – chef du quadrille, le plus célèbre toréador fin-de-siècle pour le placement et l’enlèvement simultané de simulacre de la mort. Nul doute que les amateurs de courses mouvementées ne se rendent en foule aux Arènes, ils ne regretteront certainement pas leur journée. »
Ce document a été acquis en juin 2013 par le Musée de Borda à Dax. Il y est inventorié sous le n° 2013.5.1. J’en profite d’ailleurs pour remercier ici le Musée de m’avoir autorisé à publier ce document sur mon blog.
Il ne faut pas confondre ce « Quadrille d’élite landais » avec la « cuadrilla de l’élite landaise » dont je vous reparlerai et qui verra le jour 20 ans plus tard.