
L’histoire (ou devrais-je dire la légende) de Jean Chicoy comporte un épisode souvent mis en avant et qui a fait l’objet d’une gravure, ou plutôt d’un dessin imprimé, qui pose problème. En effet, malgré mes nombreuses recherches à partir des données fournies par les différents auteurs qui ont narré cet événement, je n’ai à ce jour pas pu retrouver le périodique de l’époque dans lequel cette image fut pour la première fois publiée.
L’épisode en lui-même est entre autre narré dans L’Almanach de la Course landaise de 1911 par un anonyme qui signe sous le pseudonyme « Un vieux Coudurien », et se dit ami de celui qui fut un vrai « roi de l’arène » pendant un quart de siècle : Bernard Lalanne, dit Jean Chicoy. Né à Coudures le 1er septembre 1824, celui-ci commence à l’âge de 20 ans une carrière qui connaîtra jusqu’au début des années 1860 de nombreux moments de gloire. Le plus connu est certainement la prestation courageuse qu’il fit le 17 octobre 1852, dans les arènes de Magescq, et pour la première fois, devant des taureauxespagnols. Mais laissons la plume au « vieux Coudurien » pour nous narrer le nouvel exploit que réalisa Jean Chicoy déjà âgé dans les arènes de son village. La scène se passe, semble-t-il, vers 1865, alors que notre écarteur a atteint la quarantaine et qu’il n’assiste plus aux courses que comme spectateur, mais un spectateur exigeant qui ne supporte pas que ses anciens collègues fassent preuve de timidité sinon de couardise et de lâcheté dans l’arène. A Samadet déjà, il avait dû une fois payer de sa personne pour leur montrer l’exemple devant le fameux bœuf Lou Brillant, et voici donc que, quelques mois après, il constate « la même apathie, la même frousse » des écarteurs sur la place de Coudures :
« Jean Chicoy les prie, les encourage, les invective. Rien n’y fait. Toujours la même réponse : ʺLe bétail est trop dangereuxʺ. Jean Chicoy s’éloigne alors et revient trois minutes après, portant dans ses bras une mignonne enfant de trois ans, sa dernière fille. ʺOuvre la sixième logeʺ, dit-il au vacher. Une grande vache noire, la plus terrible du lot, sort comme une trombe. Le maître l’appelle et, son enfant sur le bras gauche, il lui fait une feinte merveilleuse, incomparable, qui arrache au père Cizos ce cri d’admiration : ʺIl n’y aura jamais qu’un Jean Chicoyʺ. »
C’est cette scène qui fut immortalisée par un dessin reproduit dans la presse de l’époque, et qui illustre d’ailleurs ce texte de L’Almanach. Mais les choses se compliquent si l’on veut en retrouver la première édition. Il est notamment étonnant que le premier grand historien de nos courses, le fameux « Clic-Clac », qui par ailleurs nous fournit un récit circonstancié de l’exploit de Jean Chicoy à Magescq, passe sous silence celui de Coudures qui avait dû marquer les mémoires.