Ce récit se trouve dans une sorte de roman de chevalerie écrit par un gentilhomme gascon, Pierre de Sainte-Gemme, qui le publie à Lyon en 1603 sous le titre : « Le grand roy amoureux ». Une jeune fille, recueillie par un prince, lui fait le récit (en gascon !) de ses aventures, et lui décrit en particulier la Chalosse et surtout Saint-Sever. Elle lui raconte notamment une course de taureau de l’époque, ancêtre de nos courses landaises, qu’on y organisait, comme la semaine prochaine, à l’occasion des fêtes de la Saint Jean. On y voit la pratique de l’aiguillade, sur laquelle nous reviendrons prochainement, ainsi que celle de la « barre panade » qui correspond peut-être au saut à la garrocha. En voici la traduction textuelle réalisée par Michel Le Grand (« Nouveaux regards sur les courses dans le Sud-Ouest jusqu’au XIXe siècle », dans Bulletin de la Société de Borda, 1938, p. 2-4):
« On en était arrivé à ce jour, à cette heure, à ce moment où notre jeunesse, en souvenir de ce glorieux saint Jean (…), fait courir le taureau en signe de réjouissance. Déjà le consul Cosse avait ouvert la porte de l’étable au taureau furieux. Les jeunes gens de la ville, auxquels s’étaient mêlés des étrangers venus en foule à la fête, commencèrent à vouloir le piquer avec des aiguillades. Déjà les cris, les éclats de voix, les sifflements du public avaient effrayé l’animal. Qui le pique de côté, qui le fait avancer, qui lui fait sentir en le piquant au front un petit aiguillon au bout d’une gaule, qui fuit devant lui, qui va derrière, qui le laisse courir vers un autre, puis lui donne de l’aiguillon, qui joue avec lui à la barre volée. On court vers le taureau : un tel gagne un arbre ; cet autre, avec son béret posé au bout de l’aiguillon, fait des misères à la bête pour la détourner ; tous s’élancent pour délivrer un jeune homme que l’animal a étendu d’un coup de corne, et l’on s’amuse pour voir si le pauvre aura son pain et son fromage [comme récompense ou prime]. La bête a déchiré les chausses d’un des joueurs sans lui faire de mal et ce dernier s’enfuit en abandonnant sa gaule. »