En ce début de saison où s’étrennent les nouveaux boléros, revenons un peu sur l’histoire du costume des écarteurs depuis 200 ans ou à peu près…
La tenue de nos acteurs a, en fait, fortement évolué pendant tout le 19e siècle avant de prendre un aspect très proche de celui de nos contemporains. Voici ce qu’en dit Clic-Clac en 1905 :
« La tenue des écarteurs landais s’est complètement modifiée dans nos arènes et elle a suivi insensiblement et pour ainsi dire, comme poussée par un sentiment invisible, la marche en avant du siècle qui s’est éteint.
Autrefois, l’écarteur qui voulait se rendre à une course partait, le petit béret bien assis sur la tête ; et le bâton orné d’un modeste baluchon, s’appuyait sur l’épaule de ce sympathique voyageur. Le grand mouchoir rouge et carré de nos aïeux servait de malle. Tous avaient un pantalon d’une blancheur immaculée, parfois pour ne pas dire toujours, zébré par de multiples accrocs finement rapiécés. Plus nombreuses étaient les pièces, plus grands étaient leurs titres de gloire. La veste n’était pas encore connue de ce temps, et Jean Chicoy, Duvigneau aîné, n’en écartaient pas moins comme on n’écarte plus aujourd’hui où l’esprit du lucre et la bonne vie remplacent tout ce qui devait être l’art tauromachique. »
La revue La Talanquère publia l’année suivante, en 1906, ce document extrêmement rare que je vous présente ci-dessus. Il s’agit de la photographie de la cuadrilla Bacarisse, l’éleveur de Cauna dont on distingue la belle carrure debout à droite, tenant l’épaule du cordier Baillet. Parmi les autres écarteurs reconnus sur cette image, se trouvaient Cizos père, les jeunes Lapaloque et Nénot, le chasseur de palombes de Barcelonne-du-Gers Pinon Ier, et les frères Duffau de Labastide-d’Armagnac. Quant à l’homme au chapeau melon qui tient à la main un bâton, à gauche, « ce n’est autre que le cocher – d’origine espagnole – qui, le plus souvent, transportait de ville en ville, et de plaza en plaza, cette quadrilla d »élite ». D’après les noms cités et leur apparence, cette photographie pourrait être datée de la fin des années 1870.
La plupart de ces hommes portent le costume traditionnel d’alors, mais peu adapté, il faut bien le dire, à la course : « le pantalon blanc, le berret [sic] large et une longue blouse ».
Pourtant, il se peut que déjà à cette époque, des boléros brodés aient déjà fait leur apparition. D’après Gérard Laborde (Dictionnaire encyclopédique des écarteurs landais, p. 168), « c’est sans doute à Joseph Dufau et à son frère Pierre que la Course landaise doit la création du boléro décoré. Dès la fin des années 1860, ils font broder les parements de leurs bourgerons de menuisiers qu’ils décorent de rubans bleus puis très vite de velours de couleurs variées ». Par ailleurs, c’est semble-t-il le 1er juillet 1852, à Orthez, que les écarteurs se présentent revêtus de boléros, ou du moins c’est ce que la chronologie traditionnelle de la course landaise répète à l’envi…
Ce qui est sûr, c’est que, petit à petit, et surtout au contact des toreros espagnols avec lesquels ils partageaient parfois l’affiche dans les courses « hispano-landaises » des années 1880-1890, le boléro avec épaulettes et broderies scintillantes a peu à peu illuminé les paseos, accompagné du béret tout aussi décoré.
Côté pantalon, les images anciennes nous montrent que pendant plusieurs décennies, nos écarteurs ont souvent revêtu une culotte de velours qui rappelait celle des matadors mais qui avait également été mise à l’honneur par leurs alter-ego provençaux, dans les quadrilles desquels, d’ailleurs, plusieurs Landais officiaient (souvent comme sauteurs) dans les années 1880-1890. C’est d’ailleurs dans cette tenue qu’ils défilèrent lors des fameuses courses de 1887 à Paris comme le montre ce dessin d’époque :
ou encore comme le prouve ce portrait de Monaco et celui du grand Paul Daverat :
Mais à la même époque, et de toute façon depuis les années 1890 au moins, de nombreux écarteurs portent déjà le célèbre, et toujours d’actualité, pantalon blanc en bonne toile, et sur lequel les rafistolages successifs se voient beaucoup moins que sur le velours sombre…, ainsi que l’arbore fièrement chez le photographe le grand (et alors jeune) Joseph Coran: